Haute couture Espagnole et gitane, Juana Martin consacrée dans la haute couture

ATS

7.7.2022 - 22:47

Avec Rossy de Palma dansant le flamenco sur fond de guitare en ouverture du défilé, la créatrice espagnole et gitane Juana Martin est entrée jeudi dans l'univers élitiste de la haute couture à Paris.

Le défilé de la styliste Juana Martin  s'est tenu en extérieur.
Le défilé de la styliste Juana Martin s'est tenu en extérieur.
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Keystone-SDA

Bouche rouge, long manteau blanc brodé, l'actrice espagnole, muse de Pedro Almodovar et icône de mode, a avancé, concentrée, sur l'allée d'un jardin avant de bouger les poignées en flamenco.

Un chanteur et un guitariste ont animé ce défilé sur le thème de l'Andalousie, au dernier jour de la semaine de la haute couture, événement exclusivement parisien.

«Je suis très fière de Juana. Je la suis depuis toujours, j'ai vu tous les efforts qu'elle a faits, tout son travail, tout son talent», a déclaré Rossy de Palma à l'AFP dans les coulisses avant le défilé. «Regardez ce manteau, c'est une bombe!»

Cuirs repoussés et chapeau andalou

A 47 ans, Juana Martin est la première femme espagnole à pénétrer le monde feutré de la haute couture. Celle qui porte depuis 15 ans les couleurs et le savoir-faire de son Andalousie natale est aussi la seule femme gitane parmi ce sommet des créateurs.

La collection est presque entièrement en noir. Les cuirs repoussés de Cordoue argentés et de massives boucles d'oreilles en argent en forme de rose lui apportent la «lumière d'Andalousie», explique à l'AFP Juana Martin.

La profusion de volants évoque les robes flamenco mais de façon subtile. Les coupes asymétriques et les chaussures plates les décalent et les rendent modernes.

Des robes aux manches volumineuses sculpturales côtoient des robes droites et des vestes oversize très modernes et portables.

Sur le podium, les chapeaux andalous, à l'image de celui porté par la créatrice avec un tailleur pantalon, sont exagérés et ajourés. L'un, orange et assorti à des gants, apporte une touche de couleur à ce défilé en plein air, dans le jardin d'un lycée parisien.

«C'est un travail de nombreuses années qui a été récompensé», se félicite Juana Martin, interrogée par l'AFP en marge du défilé.

Juana Martin est une travailleuse acharnée. Elle a obtenu son billet d'entrée dans ce cercle unique au monde à la force du poignet et en venant, durant quatre ans, présenter ses collections à Paris, en parallèle de la semaine de la haute couture.

«Talent universel»

Seuls trois autres Espagnols – Cristobal Balenciaga, Paco Rabanne et Josep Font se sont distingués dans la haute couture.

Née à Cordoue, dans le sud de l'Espagne, en 1974, elle grandit dans un milieu modeste auprès d'une famille appartenant à la communauté gitane. Son père détenait des ateliers de confection et travaillait comme vendeur ambulant sur des marchés de la région.

C'est dans ces ateliers, où elle passe son temps enfant, qu'elle s'initie à la couture et apprend les subtilités du métier «au contact de personnes qui travaillaient à l'ancienne et principalement à la main», expliquait-elle à l'AFP en juin.

Sa carrière démarre en 1999 lorsque sa collection est sélectionnée – parmi plus de 150 projets – pour représenter Cordoue au concours espagnol des jeunes talents de la couture.

En 2005, elle devient la première femme andalouse et d'origine gitane à défiler durant la semaine de la mode madrilène.

«C'était un rêve de tenir haut l'étendard de l'Espagne, de l'Andalousie, de la femme qui travaille, de la femme mère, de la femme qui se bat. C'est fondamental pour moi», résume-t-elle.

«Elle apporte son talent qui est universel, mais aussi ses racines, son folklore, ses traditions. Cela manquait», souligne Rossy de Palma, égérie de plusieurs créateurs de luxe dont les apparitions ne passent jamais inaperçues aux défilés parisiens comme sur le tapis rouge.

«Il fallait lui rendre ce qu'elle mérite», déclare l'actrice, qui avait porté des pièces de Juana Martin à Venise comme à Cannes.