Le Musée d'art et d'histoire de Genève (MAH) a invité Ugo Rondinone à s'emparer de ses salles et collections. Jusqu'au 18 juin, l'artiste suisse au rayonnement international fait dialoguer plus de 500 pièces de l'institution entre elles et avec ses propres créations.
Surprenant vis-à-vis, celui des paysages lacustres de Hodler avec les onze chevaux bleus de verre de Rondinone.
L'artiste suisse Ugo Rondinone a créé un appartement fictif de Hodler dans une des salles du MAH.
Ugo Rondinone établit des correspondances entre ses oeuvres, celles de Vallotton et d'Hodler dans l'exposition "when the sun goes down and the moon comes up".
Genève: Ugo Rondinone transfigure le Musée d'art et d'histoire - Gallery
Surprenant vis-à-vis, celui des paysages lacustres de Hodler avec les onze chevaux bleus de verre de Rondinone.
L'artiste suisse Ugo Rondinone a créé un appartement fictif de Hodler dans une des salles du MAH.
Ugo Rondinone établit des correspondances entre ses oeuvres, celles de Vallotton et d'Hodler dans l'exposition "when the sun goes down and the moon comes up".
«Cette carte blanche est un moment assez exceptionnel pour le MAH», a déclaré son directeur Marc-Olivier Wahler jeudi devant la presse. «La magie tient dans le talent d'Ugo Rondinone à créer une atmosphère qui magnifie l'ensemble du bâtiment et le patrimoine du musée».
Intitulée «When the sun goes down and the moon comes up» ("Quand le soleil se couche et la lune se lève"), la troisième exposition «Carte blanche» du musée propose plus de 500 pièces issues de ses collections, auxquelles s'ajoute une cinquantaine d'oeuvres d'Ugo Rondinone. Amour, mort, introspection, nature, désir: l'artiste a placé cette carte blanche sous le signe du romantisme.
Symétrie et circularité
«La symétrie du musée et son architecture m'ont guidé», a raconté Ugo Rondinone lors d'une visite. Dans l'entrée, son oeuvre «The sun», une sculpture circulaire en bronze de 5 mètres de haut accueille le visiteur, tel un sas symbolique, à laquelle répondra dans une autre salle «La Lune», présentée pour la première fois au public.
Ces jeux de symétrie, de reflets et de contraires se rencontrent dans chaque espace traversé par le visiteur, créant un système d'échos et de correspondances inédits. A commencer par la confrontation entre les artistes choisis par l'artiste: Félix Vallotton et Ferdinand Hodler.
Répondant aux nus de Vallotton, de grands tableaux de guerriers suisses d'Hodler posés sur des socles se transforment en sculptures. La salle regroupant des dessins que Hodler consacre à l'agonie de sa compagne résonne, elle, profondément avec la série des intimités de Vallotton.
Appartements fictifs
Ugo Rondinone consacre deux pièces à la recréation fictive des appartements de Hodler et Vallotton tels qu'il les imagine. Il les peuple de centaines d'objets de la collection du musée (porcelaines, montres, statuettes de nus masculins, etc.) et les décore d'un papier peint dessiné par ses soins, s'inspirant là encore de dessins représentant des figures masculines, puisés dans les réserves du MAH.
L'occasion pour Marc-Olivier Wahler de rappeler que «le musée possède quelque 800'000 objets, dont deux tiers à valeur d'usage. Au 20e siècle, ils ont été montrés pour leur valeur esthétique. Aujourd'hui, ils le sont également pour leur valeur d'usage», a-t-il observé. Une pratique extrêmement importante pour le musée de demain, qui doit sortir de sa tour d'ivoire, a-t-il estimé.
Des vitres arc-en-ciel
Autre surprenant vis-à-vis, celui des paysages lacustres de Hodler avec les onze chevaux bleus de verre de Rondinone, remplis d'air et des eaux puisées dans différentes mers du globe. Plus loin, aux côtés des couchers de soleil de Vallotton, l'artiste pose de poignantes figures de danseurs nus.
Mais les contrastes se vivent aussi grâce à «Love invents us» ("L'amour nous invente"). Cette installation de l'artiste consiste à apposer des filtres colorés à chaque fois différents sur les vitres des fenêtres du MAH, teintant l'expérience visuelle des visiteurs et faisant du musée à la nuit tombée une oeuvre d'art.
Figure majeure
Né en 1964 à Brunnen (SZ) et désormais installé à New York, Ugo Rondinone est l'une des figures majeures de l'art contemporain. Habitué des expositions de grande envergure, l'artiste a souligné combien il est rare et appréciable qu'un directeur de musée en ouvre les portes pour dire «fais ce que tu veux».
Ugo Rondinone est le seul artiste à avoir inclus ses propres oeuvres dans une Carte blanche, a souligné Marc-Olivier Wahler. Les précédentes avaient été réalisées par Jacob Lena Knebel en 2021 (Marcher sur l'eau) et Jean-Hubert Martin en 2022 (Pas besoin d'un dessin).