Acquittement annulé Il fonce à 200 km/h pour chercher les médicaments de sa femme

aula, ats

13.9.2022 - 11:41

Le Ministère public zurichois obtient l'annulation de l'acquittement d'un automobiliste qui avait invoqué un malaise de sa femme pour justifier un important excès de vitesse. Le Tribunal fédéral n'admet pas l'état de nécessité qui avait été reconnu par la Cour suprême du canton.

L'homme avait été chronométré à 200 km/h – sous déduction de la marge de sécurité de 7 km/h – sur l'autoroute.  (photo symbolique).
L'homme avait été chronométré à 200 km/h – sous déduction de la marge de sécurité de 7 km/h – sur l'autoroute.  (photo symbolique).
KEYSTONE/WALTER BIERI

Keystone-SDA, aula, ats

L'homme avait été chronométré à 200 km/h – sous déduction de la marge de sécurité de 7 km/h – sur l'autoroute. Devant le Tribunal d'arrondissement de Winterthour, il avait expliqué que sa femme souffrait d'une maladie cardiaque.

Le jour de l'excès de vitesse, elle avait ressenti des symptômes alors qu'ils étaient en route. Son mari avait alors appuyé sur le champignon afin de rentrer au plus vite à la maison pour qu'elle puisse prendre ses médicaments.

Lorsque le conducteur avait vu le flash du radar, il avait ralenti jusqu'à une allure normale. Selon l'instance précédente, cela montrait qu'il ne considérait pas la situation comme grave au point de justifier un excès massif de vitesse.

L'homme avait ajouté qu'il n'avait pas voulu rouler à 200 km/h. Le dépassement était dû à la puissance de la voiture de son fils – près de 600 chevaux – qui avait réagi vivement à la sollicitation de la pédale de gaz.

Risque concret ou hypothétique

La Cour suprême avait retenu à sa décharge qu'il voulait que sa femme puisse prendre ses médicaments le plus rapidement possible. En outre, il n'avait roulé que brièvement à 200 km/h. Enfin, il n'était pas habitué à cet engin surmotorisé. Dès lors qu'il n'était pas possible de savoir si l'épouse était réellement en danger de mort, le tribunal avait, dans le doute, admis l'état de nécessité.

Les juges zurichois avaient aussi constaté que le conducteur avait choisi entre le risque concret et certain, à ses yeux, d'infarctus de sa femme et celui, hypothétique, d'une mise en danger des autres usagers de la route. Dès lors qu'il circulait sur une autoroute, où la chaussée est en bon état et où il n'y a ni trafic en sens inverse ni piétons, rien ne permettait de supposer que d'autres personnes avaient été concrètement menacées.

Saisi par le Ministère public, le Tribunal fédéral estime que ce raisonnement ne tient pas la route. Même si l'on considère qu'une vie était en jeu, son mari a porté atteinte à la sécurité des autres usagers – ainsi qu'à la sienne et à celle de son épouse.

Sanctions durcies

Certes, une jurisprudence ancienne a admis l'état de nécessité dans des cas analogues. Mais, soulignent les juges de Mon Repos, les conditions de circulation ont fortement évolué au cours des dernières décennies. Et le législateur a durci la loi en créant une troisième catégorie de délits routiers – les infractions graves qualifiées – qui sont pénalement assimilées à des crimes.

En l'espèce, un dépassement de vitesse de 80 km/h sur une autoroute limitée à 120 km/h relève de cette dernière catégorie. L'état de nécessité ne doit être admis qu'avec une grande retenue, ajoute la Cour de droit pénal. Un tel excès met en péril la vie d'un certain nombre de personnes et seul le hasard permet qu'aucun accident ne survienne.

Le Tribunal fédéral rappelle aussi que l'admission de l'état de nécessité suppose que l'auteur n'avait pas d'autre possibilité que celle qu'il a choisie. Or, comme l'a souligné le Parquet, il aurait été plus indiqué de gagner l'hôpital de Winterthour. L'établissement se trouvait à 11 km du lieu de l'infraction et le couple a dû parcourir une distance trois fois plus grande pour atteindre son domicile.

L'acquittement est annulé et la cause est renvoyée à la Cour suprême pour nouvelle décision. (arrêt 6B_322/2022 du 25 août 2022)