Profession: taxidermiste«J'ai un rapport très naturel avec la mort»
Valérie Passello
16.6.2023
Martin Zimmerli oeuvre en tant que taxidermiste au sein du Muséum d'Histoire Naturelle de Neuchâtel depuis presque 40 ans. Il veille sur les pièces existantes des différentes collections, mais réalise aussi des naturalisations. Rencontre avec un amoureux de la nature qui aime donner une deuxième vie aux animaux morts, même s'il les préfère vivants!
À la découverte d'une profession insolite: taxidermiste
Rencontre avec Martin Zimmerli, taxidermiste au Muséum d'Histoire Naturelle de Neuchâtel depuis 1985.
15.06.2023
Valérie Passello
16.06.2023, 09:03
Valérie Passello
Ce jour-là, Martin Zimmerli est un peu fatigué. Et pour cause: avant de se rendre au Muséum d'Histoire Naturelle de Neuchâtel pour y exercer son métier de taxidermiste, il s'est levé à 4h30 du matin pour observer les oiseaux dans la nature. Car travailler avec des animaux morts, «c'est avant tout et surtout les aimer vivants», remarque-t-il.
Mais avoir affaire au quotidien à des cadavres de tous poils ne le dérange pas: «Enfant, j'ai rapidement appris à côtoyer la vie et la mort. Mon dada était de faire l'élevage de tous les micro-mammifères suisses. Ma chambre était remplie de terrariums et de vivariums. J'avais très souvent des naissances et des échecs, des morts. Et très tôt, j'ai commencé aussi à conserver les restes des cadavres.»
De plus, ses parents tenaient une station de soins pour animaux sauvages, où, parfois, les bêtes qui étaient amenées étaient si mal en point qu'il n'y avait pas d'autre choix que de les achever: «J'ai un rapport très naturel avec la mort», conclut Martin Zimmerli.
C'est ainsi en toute logique que ce passionné a souhaité exercer le métier de taxidermiste. Et depuis 1985, il veille avec bonheur sur les différentes collections du musée neuchâtelois.
Une importante collection scientifique au Muséum d'Histoire Naturelle de Neuchâtel
S'il ne peut pas combattre l'oxydation qui apparaît sur certaines pièces anciennes -on appelle ça «les peaux brûlées»- il s'attèle à combattre les insectes ravageurs attirés par les restes de graisse. Et il se réjouit de pouvoir bientôt déménager ses protégés à plumes ou à poils dans un nouveau centre de conservation plus adapté.
Intarissable sur son activité, Martin Zimmerli a d'abord appris, puis optimisé et développé différentes méthodes pour «préparer les animaux», comme il dit. Le taxidermiste décrit: «Notre job, c'est vraiment d'imiter la nature. On connaît bien les expressions de nos congénères ou celles de nos animaux domestiques. On n'est juste pas entraîné pour remarquer qu'il y a aussi des différences personnelles chez les animaux sauvages».
Des «saucisses» empaillées aux animaux naturalisés
Afin d'expliquer en quoi consiste son métier, Martin Zimmerli extrait du matériel de la grosse caisse de démonstration qu'il a posée sur sa table de travail. Peaux, croquis, corps artificiels, moulages: c'est tout un univers qui se dévoile à travers ces objets hétéroclites.
«Pour chaque animal, il faut d'abord prendre des mesures du cadavre. Je prépare à chaque fois des fiches avec les dimensions et des croquis», détaille le taxidermiste. Vient ensuite la confection d'un corps artificiel taillé dans du polyéthylène, une matière qui ressemble un peu à de la mousse expansive.
Des fils de fer complètent la structure, afin de fixer l'animal sur son support et de lui donner la position souhaitée. Une fois le corps artificiel sculpté selon les plans, Martin Zimmerli y applique la peau auparavant séparée du corps de l’animal, puis conservée.
Enfin vient une tâche qui peut s'apparenter à celle d'un sculpteur, un façonnage va permettre à la bête de «revivre». Il faut alors soigner tous les détails, dont les yeux: dans les tiroirs de son bureau, le naturaliste en a de toutes les tailles et de toutes les couleurs!
Avec le temps, les techniques se sont améliorées. d'ailleurs, on ne dit plus «empailler» un animal. Le taxidermiste reprend: «À l'époque, on bourrait de la paille dans les corps, ce qui fait que tous les animaux ressemblaient plus ou moins à des saucisses».
Bêtement morts par accident, mais finalement utiles
La technique décrite plus haut fonctionne pour tous les animaux à plumes ou à poils. Les poissons ou les batraciens sont plus difficiles à naturaliser en raison de la finesse de leur peau, note le taxidermiste, qui privilégie les moulages pour ces espèces-là.
À noter enfin que les bêtes ne sont pas tuées dans le but d'être naturalisées aux Muséum d'Histoire Naturelle de Neuchâtel, précise encore Martin Zimmerli: «Ce sont des animaux accidentés, les naturaliser est un moyen pour nous d'en faire quelque chose afin qu'ils ne soient pas bêtement morts».
Les pièces réalisées sont ainsi utilisées à des fins scientifiques, leur étude permet de mieux connaître le patrimoine naturel du canton.
Le musée a aussi une mission pédagogique: les animaux y sont exposés dans des dioramas, ce qui permet au public de les observer dans des tableaux en trois dimensions représentant leur milieu naturel. D'autres sont prêtés à des expositions ou présentés lors d'événements en lien avec la nature.