France «Je l'ai tuée. Et puis voilà» : le procès du meurtre de Lola s'est ouvert

Basile Mermoud

17.10.2025

«Je l'ai ramenée avec moi, je l'ai scotchée, je l'ai tuée. Et puis voilà». Impassible devant les assises de Paris qui la jugent depuis vendredi pour avoir violé, torturé et tué Lola, 12 ans, Dahbia Benkired écoute sans ciller le rappel de ses aveux et le récit insoutenable de ce 14 octobre 2022.

Delphine Daviet, la mère de Lola, arrive à la cour d’assises de Paris pour le procès de Dahbia Benkired, accusée du meurtre de Lola Daviet, le 17 octobre 2025.
Delphine Daviet, la mère de Lola, arrive à la cour d’assises de Paris pour le procès de Dahbia Benkired, accusée du meurtre de Lola Daviet, le 17 octobre 2025.
AFP

Agence France-Presse

Ce crime commis dans l'appartement de sa soeur dans le XIXe arrondissement de Paris, avait déclenché l'effroi de l'opinion et une tempête politique: cette ressortissante algérienne était sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

D'emblée, Dahbia Benkired, 27 ans, demande «pardon à toute la famille» de Lola Daviet, dont les parents étaient gardiens de l'immeuble. «C'est horrible ce que j'ai fait».

Les proches attendront plus que des regrets exprimés d'une voix monocorde, le regard figé dont elle ne se départira guère. A l'heure du verdict le 24 octobre, ils voudront une réponse à l'effroyable énigme à laquelle l'enquête n'a pas répondu: pourquoi?

Les yeux rougis, ils se serrent, s'agrippent par la main, la bouche entrouverte comme pour happer l'air, secoués par les sanglots. Ils sont vêtus d'un T-shirt blanc, avec le dessin d'une enfant souriante, les yeux immenses, cheveux blonds noués en queue de cheval, et cette inscription: «Tu étais le soleil de nos vies, tu seras l'étoile de nos nuits».

Quel mobile?

Le frère de Lola, Thibault, s'adresse à l'accusée: «Au nom de toute la famille», y compris le père, Johan Daviet décédé en 2024, «on voudrait que vous disiez toute la vérité et rien que la vérité, à toute la France et à nous», demande-t-il, sans haine ni colère.

Dahbia Benkired n'a jamais livré de clé sur son mobile. En garde à vue, elle a évoqué sa «haine» après un passe d'ascenseur qui aurait été refusé par la mère de Lola. Il fut aussi question de fantôme, de sorcellerie et de rites sataniques sous influence...

Vendredi, son avocat Alexandre Valois s'efforce d'imaginer un déclencheur possible de sa rage meurtrière: un message dégradant que venait d'envoyer l'homme avec qui elle entretenait une relation.

Elle affirme qu'elle se prostituait, à l'instigation, notamment, dit-elle, de ce petit ami, un dealer dont elle consommait le cannabis - «vingt joints par jour». Après un arrêt, elle avait recommencé à fumer massivement la semaine avant le crime, assure-t-elle.

Froideur et manipulation

Sauf que rien n'accrédite une telle activité de prostitution, vient dire un enquêteur: aucun client, aucune trace électronique. Pas de cannabis découvert lors de l'interpellation non plus, même si des témoignages la décrivent comme une importante consommatrice.

Ce policier expérimenté se souvient de sa stupéfaction devant le contraste entre l'horreur des faits et la froideur de Benkired après son arrestation. Il rappelle qu'elle a beaucoup menti: ainsi, ce viol imaginaire dont elle disait avoir été victime la veille du crime.

Tout en relevant l'absence de «pathologie psychiatrique majeure», les experts ont relevé durant l'enquête les «conduites manipulatoires» de cette femme, filmée en cet après-midi d'automne dans le hall d'entrée, chargée d'une imposante malle où elle avait mis le corps de Lola, abordée une heure et demie plus tôt.

Entretemps, Dahbia Benkired a contraint l'adolescente terrorisée à la suivre dans l'appartement, l'a violée, l'a torturée. Elle lui a entièrement entouré le visage d'adhésif. Pendant que l'enfant s'asphyxiait, Dahbia Benkired a mis de la musique et fermé la porte pour couvrir les bruits de l'agonie, avait-elle raconté aux enquêteurs.

Quand sont diffusées les images du corps supplicié, la mère et le frère de Lola sortent; toujours pas de réaction physique notable chez Dahbia Benkired qui avait auparavant dressé pour la cour une chronologie de vie confuse, incohérente parfois, et décrit une jeunesse déstructurée au sein d'une famille dysfonctionnelle, entre Algérie et région parisienne.

Elle évoque des violences sexuelles dont elle aurait été victime, commises par un voisin à 14 ans ou «des hommes qui venaient chez ses tantes» en Algérie, avant son retour en France en 2013. Elle évoque aussi la violence d'un père.

«Que la justice soit rendue pour ma fille»

Quand elle n'entend ou ne comprend pas, elle fait répéter. Sa soeur l'a décrite comme la «mauvaise graine» de la famille. «C'est quoi +mauvaise graine+?». Et qu'est-ce que cette vie d'"errance" évoquée par le président à propos de l'absence de domicile fixe, d'emploi stable ?

Avant le procès, quelques militants identitaires se sont rassemblés devant le Palais de justice. D'autres ont tagué un trottoir proche d'un slogan anti-immigration.

Dès 2022, la famille de l'adolescente avait réclamé qu'on n'utilise pas son nom. Vendredi, Delphine Daviet a juste dit: «J'attends que la justice soit faite», qu'elle «soit rendue pour ma fille Lola».