Le bruit au travail, ce fléau occulté «Je n'arrive pas du tout à réfléchir, je déteste ça»

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3.10.2024

«Dès qu'il y a du bruit, je n'arrive pas à réfléchir, je déteste ça»: plus de six actifs sur dix se disent gênés par les nuisances sonores au travail, un risque pour l'audition, mais aussi de fatigue ou de stress encore peu pris en compte.

Seuls 44% des actifs estiment que la santé auditive est suffisamment prise en compte par leur employeur. (image d'illustration)
Seuls 44% des actifs estiment que la santé auditive est suffisamment prise en compte par leur employeur. (image d'illustration)
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L'Institut français de recherche et de sécurité (Inrs) rappelle que l’ouïe est en danger à partir d’un niveau de 80 décibels (l'équivalent d'une circulation automobile dense ou de klaxons) durant une journée de travail de 8 heures. Mais l'exposition prolongée au bruit, «même à des niveaux moyens peut entraîner fatigue, stress et anxiété».

Or, selon une étude Ifop pour l’Association nationale de l'audition publiée jeudi, la part des actifs en poste gênés atteint 62%, en hausse de dix points en un an.

Cette gêne concerne toutes les classes d'âge, et les personnes qui travaillent en open space sont les plus touchées (74%), indique ce baromètre réalisé pour la Semaine de la Santé auditive au Travail (du 14 au 19 octobre).

Après des journées dans le bruit de l'open space, Emma, trentenaire qui travaille dans le secteur de l'environnement, évoque auprès de l'AFP une sensation de «trop plein» et la frustration d'avoir l'impression de réfléchir «en tournant en rond».

«Je crois qu'il y a des cerveaux de gens qui font différemment, et donc moi, dès qu'il y a du bruit, je n'arrive pas du tout à réfléchir», «je déteste ça», dit-elle à l'AFP. Elle n'a pas opté pour un casque anti-bruit car elle trouve «ça un peu bizarre et contre-productif» en présence de ses collègues.

Si comme Emma, les actifs citent en premier fatigue, lassitude et irritabilité (60%) parmi les répercussions en terme de santé du bruit, d'autres font état de stress" (50%). Ils sont aussi 37% à évoquer une gêne auditive (diminution momentanée de compréhension de la parole), ou à citer les troubles du sommeil (33%), les acouphènes -sifflements, bourdonnements - (32%) ou encore les surdités (24%) et l'hypertension (22%).

«Fléau occulté»

«Hypersensible», Marie Balland, ne fait, elle, pas de différence «entre un petit bruit et un grand bruit». Quand des collègues parlent à côté, «tapent sur leur clavier, sur le bureau, quand il y a des bruits de clé, des bruits de bracelet...», elle a du mal à se concentrer.

Après une journée dans le bruit constant, «c'est surtout les migraines qui sont intenses», dit cette jeune femme qui travaille dans la communication digitale, en open space «la plupart du temps».

Le sujet est encore peu pris en compte. Dans une note récente pour la fondation Jean Jaurès, Romain Bendavid, expert des enjeux de qualité de vie au travail, évoque «un fléau occulté».

Si les employeurs reconnaissent que l'audition nécessite des actions de prévention (pose de cloisons, coffrage de machines...), cette priorité «n'apparaît pas au sommet de la pile». Seuls 44% des actifs estiment que la santé auditive est suffisamment prise en compte par leur employeur, indique l'enquête Ifop, l'association estimant que «la réduction du bruit au travail doit devenir un axe majeur dans l’ensemble de l’économie».

Et si le travail sur site est davantage source de gêne (63%), le télétravail (56%) ne protège pas totalement les actifs.

A son compte dans le conseil aux entreprises, Clément explique à l'AFP que lorsque sa conjointe est en télétravail, «le principe de l'open space se recrée à la maison».

«Comme on est parfois tous les deux au téléphone, chacun notre tour, ça peut être perturbant», explique-t-il, en précisant qu'il a «ce truc» d'avoir tendance à écouter s'il entend une conversation.

Dans un espace de travail au calme, «le seul bruit c'est la voix de l'autre», observe-t-il. «Si on avait le bruit de la rue, si on avait un collègue, au final, on serait habitués», mais paradoxalement, dit-il, «on est trop bien lotis».

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