«Je n'avais rien contre elle»Jean-Marc Reiser répète n'avoir rien prémédité
ATS
5.7.2022 - 10:27
Assassinat méticuleusement préparé? Ou déchaînement de violence incontrôlé? Après plus d'une semaine de débats, la cour d'assises du Bas-Rhin rend mardi son verdict à l'encontre de Jean-Marc Reiser, qui a reconnu avoir tué et démembré l'étudiante strasbourgeoise Sophie Le Tan mais nie farouchement toute préméditation.
Keystone-SDA
05.07.2022, 10:27
05.07.2022, 11:06
ATS
«Je souhaite que vous puissiez juger sereinement, que ce soit un verdict équitable, juste, non pas une exécution sommaire», a déclaré l'homme de 61 ans, dans une dernière longue prise de parole avant que les jurés ne partent délibérer.
«Dans cette fureur que je ne m'explique toujours pas aujourd'hui, il n'y avait rien de prémédité. Je n'en voulais pas particulièrement à Sophie Le Tan, je n'avais rien contre elle», a-t-il poursuivi. Il s'est plaint de nouveau d'être présenté «comme un monstre» dans une «espèce de lynchage médiatique».
Puis s'adressant à la famille de Sophie Le Tan, mais en gardant la tête baissée, Jean-Marc Reiser a dit faire «face à leur immense douleur» et comprendre qu'ils ne puissent pas lui pardonner: «Je suis coupable de la mort de leur fille même si je ne l'ai pas voulue. Cela me hantera le restant de mes jours».
Peine maximale requise
La réclusion criminelle à perpétuité avec 22 ans de sûreté, la peine maximale, a été requise à son encontre par l'avocat général.
Les six jurés (quatre hommes et deux femmes) et les trois juges doivent désormais répondre à deux questions: Jean-Marc Reiser a-t-il volontairement tué Sophie Le Tan, dont le squelette incomplet n'a été retrouvé qu'en octobre 2019, plus d'un an après sa disparition? Et a-t-il prémédité le crime qui lui est reproché?
Cette question de la préméditation renferme tout l'enjeu du procès. Si Jean-Marc Reiser a reconnu à l'audience, comme il le fait depuis janvier 2021, avoir tué Sophie, il nie en revanche toute volonté homicide et, surtout, toute préméditation: jamais il n'a préparé ni voulu sa mort.
Lui et ses trois avocats l'ont martelé: C'est un «hasard regrettable» qui a mis Sophie Le Tan sur sa route. Le 7 septembre 2018, il l'aperçoit alors qu'il est en bas de chez lui. Elle venait visiter son appartement qu'il avait mis en location via un site internet, mais lui avait oublié ce rendez-vous après avoir passé la nuit précédente à boire.
Selon sa version, c'est chez lui, après la visite, que les choses ont dégénéré: le rejet par la jeune femme de sa tentative de «bise» plonge Jean-Marc Reiser dans un «état de fureur» incontrôlable, il la roue de coups, elle chute lourdement et reste inanimée. Prostré selon lui plusieurs heures, il prend la décision de découper le corps et de le dissimuler dans la forêt.
«Un piège»
Un scénario de la «rencontre fortuite» et du «pétage de câble» rejeté par l'accusation et les parties civiles: «C'est bien dans un piège qu'elle est tombée», a conclu l'avocat général Laurent Guy, balayant la thèse, portée par la défense, d'un geste impulsif que Jean-Marc Reiser aurait ensuite tenté de dissimuler dans la précipitation.
Pour l'accusation, il a au contraire publié une fausse annonce locative dans l'objectif de piéger une jeune étudiante correspondant à son goût pour les femmes asiatiques, Sophie étant d'origine vietnamienne. Pour les parties civiles également, la préméditation «ne fait aucun doute»: «Il s'organise pour attirer sa proie dans sa toile», a estimé Me Rémi Stephan, l'un des avocats de la famille Le Tan.
Du côté de la défense, on a tenté d'instiller le doute dans l'esprit des jurés, essayant de les convaincre que leur client, dont ils savent qu'il sera condamné, n'avait rien calculé et n'est donc pas coupable d'assassinat mais de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Un chef d'accusation qui ferait encourir à Jean-Marc Reiser, jugé en récidive légale, 30 ans de réclusion et non la perpétuité.
«Il n'y a aucune certitude en ce qui concerne Jean-Marc Reiser qu'il a prémédité la mort de Sophie Le Tan», a estimé Me Xavier Metzger, rappelant que le doute devait profiter à l'accusé.