RussieL'opposant Iachine condamné à huit ans et demi de prison en appel
ATS
19.4.2023 - 14:42
Une cour d'appel russe a confirmé mercredi une peine de huit ans et demi de prison infligée à l'opposant Ilia Iachine pour ses critiques contre l'offensive de Moscou en Ukraine, en pleine accélération de la répression en Russie.
19.04.2023, 14:42
19.04.2023, 15:02
ATS
La condamnation prononcée en première instance en décembre «reste inchangée», a indiqué le juge, selon une correspondante de l'AFP au tribunal. M. Iachine, 39 ans, a été jugé coupable d'avoir diffusé de «fausses informations» sur l'armée russe.
Opposant charismatique, il avait été condamné pour avoir dénoncé, dans une intervention en direct sur YouTube, «le meurtre de civils» dans la ville de Boutcha, près de Kiev, où l'armée russe a été accusée d'exactions, ce que nie Moscou.
«Le sentiment d'avoir une supériorité morale sur les voleurs et les tueurs qui ont pris le pouvoir me donne de la force. Ils savent que je ne les crains pas», a déclaré M. Iachine lors de l'audience, selon une transcription publiée par son équipe.
«Quelle est ma faute? C'est d'avoir rempli mon devoir de politicien et patriote russe et d'avoir dit la vérité sur cette guerre», a-t-il également affirmé.
A la sortie de l'audience, l'un de ses avocats, Me Maria Eismont, a réaffirmé que son client n'était pas coupable car l'accusation de «fausses informations» se base uniquement, selon elle, sur «l'opinion» du ministère russe de la Défense.
«Iachine a une mentalité très enjouée», a-t-elle ajouté, assurant qu'il se «sentait bien».
Répression crescendo
Le procès de M. Iachine est particulièrement suivi en Russie, car il était l'un des derniers opposants russes de premier plan à Vladimir Poutine à ne pas avoir été emprisonné en Russie.
Cette décision, sans surprise, intervient au lendemain du rejet d'un autre appel, celui du journaliste américain Evan Gershkovich, accusé d'espionnage, qui a été maintenu en détention provisoire jusqu'à fin mai.
Depuis le lancement de l'offensive contre l'Ukraine, fin février 2022, le pouvoir russe a accéléré sa répression des voix dissidentes, punissant d'amendes et de peines de prison des centaines de personnes, ou fermant les dernières ONG critiques.
Désormais, les grandes figures de l'opposition restées au pays, comme Alexeï Navalny, Ilia Iachine ou Vladimir Kara-Mourza, ont reçu de lourdes peines d'emprisonnement.
Vladimir Kara-Mourza a été condamné lundi à une peine record de 25 ans de prison, notamment pour «haute trahison», une sévérité inédite contre un opposant dans l'histoire russe depuis les répressions soviétiques.
Mais la machine répressive touche aussi de simples anonymes, coupables de s'être exprimés publiquement contre l'offensive, parfois dans de simples messages sur les réseaux sociaux vus par un nombre très réduit de personnes.
Même à l'école
Un père, Alexeï Moskaliov, et sa fille âgée de 13 ans, se sont retrouvés récemment au coeur d'une affaire emblématique. Au printemps 2022, cette dernière a fait un dessin en classe contre l'intervention russe en Ukraine et a été dénoncée par la directrice de l'école.
Quelques mois plus tard, son père a été visé par la justice et condamné en mars à deux ans de prison pour des publications en ligne critiquant le conflit. Quelques heures avant sa condamnation, M. Moskaliov avait pris la fuite au Bélarus, mais il a été arrêté et extradé depuis en Russie.
Jeudi, un tribunal doit étudier une demande pour le priver de la garde de sa fille.
«En faisant ça, ils veulent intimider la société», a réagi mercredi Oleg Orlov, responsable de Memorial, pilier des droits humains dissout fin 2021 par la justice russe et colauréat du dernier Prix Nobel de la Paix.
«Et ils y arrivent (...) La société a peur et préfère se taire», a poursuivi M. Orlov, s'exprimant auprès l'audience d'Ilia Iachine.
Depuis mars, Oleg Orlov est lui-même poursuivi dans une affaire pour «discréditation» de l'armée russe qui pourrait l'envoyer pour trois ans en prison.