«Aucune plage n'est à l'abri» Quand «le système Orban» met la main sur la «mer hongroise»

© Agence France-Presse

19.8.2024

Le Balaton, plus vaste lac d'Europe centrale fait office de «mer hongroise» et attire chaque été les familles. Mais ses plages en accès libre et ses campings populaires sont supplantés peu à peu par des espaces privatisés.

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De quoi faire grincer des dents la population locale, certains y voyant l'emprise du Premier ministre nationaliste Viktor Orban, accusé en 14 ans de pouvoir de s'accaparer avec son cercle proche de pans entiers de l'économie.

Peter Karpati vend des glaces depuis près de 40 ans dans le port de Balatonfoldvar et a vu les 235 kilomètres de rives se transformer, avec la construction d'hôtels cinq étoiles et de complexes résidentiels.

Devant sa baraque, le septuagénaire dénonce «l'avidité qui ronge petit à petit le lac et le mène à sa ruine». «Voilà ce qui nous inquiète», confie-t-il.

La mairie «gaspille», selon lui, de l'argent dans des projets immobiliers «absurdes». Lui-même, «tout humain qu'il est», a accepté de déménager son échoppe en contrepartie d'un gros chèque, pour céder la place à celui qu'il décrit comme «un gros entrepreneur du système Orban».

Ils sont 2,8 millions de visiteurs à venir chaque année, pour la grande majorité des Hongrois. Mais les statistiques montrent un recul des nuitées en juin sur un an même si les dépenses totales ont augmenté, sur fond d'embourgeoisement du lac et de flambée des prix.

50 propriétés

L'ONG anti-corruption K-Monitor répertorie plus de 50 propriétés appartenant à des hommes d'affaires proches de M. Orban via des montages complexes.

L'AFP, qui a réussi à joindre par téléphone le gendre du Premier ministre, Istvan Tiborcz, n'a pas été en mesure de vérifier de manière indépendante l'état actuel de son patrimoine.

Dénonçant des «allégations trompeuses» le concernant, il a confirmé avoir réalisé par le passé des investissements autour du lac, mais affirme ne plus rien y posséder aujourd'hui.

Le gouvernement distribue quant à lui des fonds pour des projets de développement du tourisme. Et il n'hésite pas à avaliser des changements législatifs pour permettre la construction de programmes controversés, accuse Karoly Herenyi, président d'une association qui se bat pour préserver la zone.

Sur une plage populaire, il montre une marina inachevée en raison d'une bataille judiciaire.

Les tribunaux ont arrêté le chantier à deux reprises, invoquant l'absence de consultation publique et d'étude d'impact environnementale. Mais la municipalité, dirigée par le parti Fidesz au pouvoir, a modifié la règlementation locale et les travaux ont pu redémarrer.

Laszlone Szabo, une institutrice de 46 ans, se plaint de «ce port qui bouche un peu la vue» et empiète sur le lieu de leurs vacances. «Là où on passe nos étés depuis des années et où les enfants ont grandi», dit-elle, précisant avoir signé une pétition pour protester.

La mairie n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.

«Nouvelle aristocratie»

«Si on peut changer la loi à sa guise, alors aucune plage de Balaton n'est à l'abri», s'alarme M. Herenyi.

Il voit dans les transformations actuelles «une forte volonté politique pour faire émerger une nouvelle aristocratie», comme c'était le cas il y a 100 ans quand le lieu a commencé à devenir populaire.

Lieu de villégiature pendant la période communiste du dirigeant de l'URSS Nikita Khrouchtchev ou du président cubain Fidel Castro, le lac Balaton a vu pousser de nombreux bâtiments de style soviétique.

Mais après la transition démocratique dans les années 1990, les autorités avaient promis de mettre un frein à la fièvre immobilière... qui a repris de plus belle ces dernières années.

Lueur d'espoir pour les militants soucieux de préserver un tourisme familial abordable, le Fidesz a perdu du terrain aux élections municipales de juin.

Dans la ville de Keszthely, surnommée la capitale de Balaton, le parti a été défait dans les urnes pour la première fois depuis 2006.

Le nouveau maire Gergely Toth, un économiste alternatif de 54 ans, a promis d'être à l'écoute et de garantir «un développement durable».

Quand il prendra ses fonctions en octobre, sa première action sera symbolique: il démontera un portail érigé par un promoteur immobilier pour entraver l'accès du public à la plage locale.

Une pratique illégale désormais fréquente sur les rives du lac Balaton.

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