La journaliste philippine et Nobel de la Paix, Maria Ressa, lors d'un entretien avec l'AFP, le 3 mai 2022 à Genève
Le président du Brésil, Jair Bolsonaro (c) à la rencontre de ses partisans, le 1er mai 2022 à Brasilia
Ferdinand Marcos Jr, candidat à la présidentielle, le 25 mars 2022 à Laoag, aux Philippines
La journaliste philippine et Nobel de la Paix, Maria Ressa, lors d'un entretien avec l'AFP, le 3 mai 2022 à Genève
La Nobel de la Paix souligne la «sombre» situation du journalisme - Gallery
La journaliste philippine et Nobel de la Paix, Maria Ressa, lors d'un entretien avec l'AFP, le 3 mai 2022 à Genève
Le président du Brésil, Jair Bolsonaro (c) à la rencontre de ses partisans, le 1er mai 2022 à Brasilia
Ferdinand Marcos Jr, candidat à la présidentielle, le 25 mars 2022 à Laoag, aux Philippines
La journaliste philippine et Nobel de la Paix, Maria Ressa, lors d'un entretien avec l'AFP, le 3 mai 2022 à Genève
La situation du journalisme est «sombre» dans un monde où l'omniprésence des réseaux sociaux laisse libre cours à un flot de propagande, de faits alternatifs et de réécriture de l'histoire, a mis en garde la Nobel de la Paix, Maria Ressa dans un entretien à l'AFP.
La journaliste philippine, co-fondatrice du site d'information Rappler qui a partagé le prix Nobel avec son collègue russe Dmitri Mouratov, en veut pour preuve la situation dans son propre pays.
Ferdinand Marcos Jr -le fils du dictateur qui pendant deux décennies a fait régner la terreur et la corruption – est donné comme probable vainqueur de la présidentielle la semaine prochaine, 36 ans après la chute de son père.
«Il semble en passe de l'emporter et c'est possible seulement parce que l'histoire a changé devant nos yeux», a expliqué la journaliste, en marge d'une manifestation en faveur de la liberté de la presse à Genève.
Marcos Jr profite d'un déluge de désinformation sur les réseaux sociaux ciblant les plus jeunes générations qui n'ont aucune mémoire des exaction commises par son père.
Réalité alternative
Mme Ressa souligne aussi que le candidat refuse de participer à des débats et évite les questions des journalistes, semblant ainsi suivre la voie d'autres politiciens comme Jair Bolsonaro, le très controversé président du Brésil.
«C'est bien le problème avec les réseaux sociaux: cela a fait fleurir la propagande et littéralement permis à des personnalités publiques comme Marcos ou Bolsonaro de créer leur réalité alternative en contournant les mécanismes de contrepouvoir» des médias, souligne t-elle, avant d'enfoncer le clou: «Ce n'est pas une bonne chose».
Face à ces défis, «la mission du journalisme est plus importante aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été», explique-t-elle.
Pour la journaliste, dès 2014, les réseaux sociaux ont permis de propager dans le monde entier deux narrations divergentes de l'annexion de la Crimée par l'armée russe et le phénomène s'est encore aggravé avec l'invasion de l'Ukraine en février.
Dans un tel environnement, un accès à des informations fiables est vital.
«Je pense que nous sommes arrivés à un point où tout ce que nous (les journalistes) pouvons faire compte parce que nous sommes tout près du bord du gouffre», dit-elle.
Sacrifices
Pour la prix Nobel de la Paix, il n'y a pas de garde-fous et les réseaux sociaux exposent beaucoup plus les journalistes aux menaces et aux attaques.
«Maintenant, à chaque fois que vous écrivez un article qui essaye de mettre le pouvoir face à ses responsabilités, vous devez être préparé à être attaqué personnellement», explique Mme Ressa, qui elle-même risque 100 ans de prison pour avoir dénoncé les excès du président Rodrigo Duterte.
Mais si le prix Nobel a été un «soulagement» parce qu'il démontrait que le comité avait bien compris à quel point la tâche des journalistes était devenue plus difficile et que «les risques ont augmenté», il n'en a pas pour autant protégé Mme Ressa des poursuites judiciaires. Au contraire, «elles se sont accélérées», a-t-elle expliqué.
Pour elle, il est injuste de «demander aux journalistes de faire tous ces sacrifices» et elle exhorte les gouvernements et la communauté internationale à prendre les choses en main et réguler ces technologies qui ont transformé notre société de l'information.
«Il faut des garde-fous pour que nous puissions faire notre travail», juge-t-elle.
En attendant, les journalistes «n'ont pas le choix» et doivent continuer à défendre la démocratie du mieux qu'ils le peuvent, remarque Mme Ressa: «Nous tentons d'arrêter le flot à main nues en espérant que le reste de la société va prendre le relais»