Bélarus Le Bélarus arrête une figure de l'opposition

ATS

8.9.2020 - 18:35

Maria Kolesnikova, figure de l'opposition au Bélarus, a été arrêtée (archives).
Maria Kolesnikova, figure de l'opposition au Bélarus, a été arrêtée (archives).
Source: KEYSTONE/AP/Dmitri Lovetsky

Le Bélarus a affirmé mardi avoir arrêté l'opposante Maria Kolesnikova, figure de la contestation visant le président Alexandre Loukachenko, alors qu'elle fuyait le pays. La version a été démentie par l'Ukraine voisine, qui parle d'une tentative avortée d'exil forcé.

«Kolesnikova est actuellement détenue», a indiqué à l'AFP le porte-parole des gardes-frontières, Anton Bytchkovski. Mme Kolesnikova avait décidé de rester au Bélarus après les élections présidentielles.

Elle est la dernière des trois figures féminines de l'opposition durant la campagne présidentielle. Les deux autres, la candidate Svetlana Tikhanovskaïa et Veronika Tsepkalo, ont déjà dû s'exiler à l'étranger.

Versions contradictoires

Selon M. Bytchkovski, deux autres membres du Conseil de coordination formé par l'opposition pour promouvoir une transition du pouvoir ont passé la frontière vers l'Ukraine. Il s'agit d'Anton Rodnenkov et Ivan Kravtsov.

Les gardes-frontières bélarusses affirment dans un communiqué que Mme Kolesnikova a été «pratiquement jetée hors du véhicule» à la frontière, sous-entendant que ses camarades s'étaient débarrassés d'elle. S'exprimant sur cette affaire, le président Loukachenko a donné la même version des faits. Il a assuré négocier avec Kiev la remise des deux autres personnes qui se trouvaient dans le véhicule.

Mais cette version des faits avait été démentie dès le matin par les autorités ukrainiennes, qui ont expliqué que Mme Kolesnikova avait résisté à son expulsion forcée du Bélarus et que face à l'impossibilité de la chasser du pays, elle avait été arrêtée par la police.

Le vice-ministre ukrainien de l'Intérieur Anton Gerachtchenko a expliqué sur Facebook que les autorités bélarusses expulsaient les trois opposants de leur pays. Mme Kolesnikova aurait résisté, refusant d'être exilée.

Selon l'agence Interfax-Ukraine, elle a déchiré son passeport pour bloquer l'opération. C'est alors qu'elle a été arrêtée.

Embarquée dans un véhicule

Maria Kolesnikova, 38 ans, avait disparu lundi à Minsk, «enlevée» selon ses proches et embarquée dans un véhicule contre son gré.

Svetlana Tikhanovskaïa, elle-même exilée en Lituanie, a réclamé mardi sa libération immédiate. Elle a dénoncé une «situation absolument inacceptable» au Bélarus.

«Cela ne peut pas être la norme en Europe, ni dans un monde civilisé», a-t-elle déclaré lors d'une intervention par visioconférence devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE). «Mon peuple et ma nation ont besoin d'aide», a dit Mme Tikhanovskaïa.

Exil ou prison

De nombreuses figures de la contestation, membres ou non du «conseil de coordination», ont été contraintes à l'exil ou incarcérées ces dernières semaines. Les autorités ont engagé contre cet organe des poursuites judiciaires pour «menace à la sécurité nationale».

Le pouvoir bélarusse a par le passé déjà eu recours à l'exil forcé pour éloigner ses détracteurs. Mme Tikhanovskaïa elle-même est partie en Lituanie juste après le scrutin à la suite de pressions, selon ses partisans.

Le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a appelé lundi Minsk à «la libération immédiate» des opposants politiques, et rappelé que l'UE imposerait des sanctions «aux personnes responsables» de la répression.

«Le danger est réel de voir le Bélarus sombrer dans l'illégalité et la persécution politique», s'est alarmée pour sa part mardi la secrétaire générale du Conseil de l'Europe, Marija Pejcinovic Buric. La Suisse s'est dite «très inquiète» du sort des figures de l'opposition Kolesnikova, Ivan Kravstov et Anton Rodnenko. Dans un tweet publié mardi, le Département fédéral des affaires étrangères a appelé au dialogue et demandé aux autorités bélarusses de «mettre un terme à la répression des manifestations pacifiques».

Manifestations chaque dimanche

Dans une interview donnée à plusieurs médias publics russes et qui sera diffusée ultérieurement, Alexandre Loukachenko a estimé que l'arrestation de Mme Kolesnikova était «juste», selon un journaliste l'ayant interviewé.

Il a également admis être «peut-être resté trop longtemps» au pouvoir, a ajouté ce journaliste, Evguéni Rojkov, à la télévision russe. Mais le dirigeant a ajouté que lui seul pouvait «défendre les bélarusses», accusant de nouveau les opposants de vouloir «briser tous nos liens avec nos frères Russes».

Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans au Bélarus, fait face à une mobilisation sans précédent contre sa réélection, jugée frauduleuse, lors du scrutin du 9 août. Depuis un mois, des manifestations hebdomadaires ont réuni chaque dimanche plus de 100'000 personnes à Minsk. M. Loukachenko a jusqu'ici exclu toute concession, évoquant une vague révision de la Constitution. Il a sur ces points reçu le soutien de la Russie.

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