Carnet noir Le graphiste suisse Roger Pfund s'est éteint à l'âge de 80 ans

bu, ats

17.3.2024 - 17:02

Le peintre et graphiste genevois Roger Pfund, père du passeport suisse et des derniers billets de banque français, est mort samedi à l'âge de 80 ans. Il est l'un des graphistes suisses les plus connus au monde et laisse une oeuvre colossale

Roger Pfund, né à Berne en décembre 1943, est d'abord contrebassiste de jazz avant de se lancer dans le graphisme et dessiner le nouveau passeport suisse en 2003. Mais sa spécialité, ce sont les billets de banque.
Roger Pfund, né à Berne en décembre 1943, est d'abord contrebassiste de jazz avant de se lancer dans le graphisme et dessiner le nouveau passeport suisse en 2003. Mais sa spécialité, ce sont les billets de banque.
Keystone

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Roger Pfund n'était plus très en forme depuis plusieurs années, a déclaré son fils Tristan Pfund à Keystone-ATS dimanche, revenant sur une information de la RTS. Il est décédé de complications après une infection. La famille et les proches devaient se voir dimanche en fin de journée pour organiser les funérailles.

«Artiste et graphiste de renommée internationale, Roger Pfund était une figure marquante de la création suisse. Souhaitant s’adresser à chacune et chacun par ses créations, il y est parvenu magistralement. Avec mes sentiments de compassion pour sa famille et ses proches», a réagi la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider sur le réseau social X.

Roger Pfund, né à Berne en décembre 1943, est d'abord contrebassiste de jazz avant de se lancer dans le graphisme et dessiner le nouveau passeport suisse en 2003. Mais sa spécialité, ce sont les billets de banque.

En 1971, il gagne en outsider le concours lancé par la Banque nationale suisse (BNS) pour ses nouveaux billets, dont il réalisera finalement la série de réserve. Grâce à une nouvelle vision et ses incursions dans l'informatique, le graphiste fait entrer le papier valeur dans une nouvelle ère. La même année, il s'établit à Genève.

«Ambassadeur culturel d'un pays»

Roger Pfund gagne aussi les deux concours organisés en 1996 par l'Institut monétaire européen (IMA) pour réaliser les billets de l'Euro, mais jugé trop avant-gardiste, le projet est finalement attribué à l'Autrichien Robert Kalina.

L'artiste genevois a également réalisé la dernière série française de billets de banque avec notamment le Petit Prince de Saint-Exupéry, les nouveaux argentins à l'effigie d'Evita Peron.

«Le billet de banque doit être beau, coloré et doit raconter une histoire. Il est l'ambassadeur culturel d'un pays», avait-il expliqué en 2013 à l'occasion d'une grande exposition organisée au Musée d'art et d'histoire (MAH) de Genève.

Roger Pfund «était intarissable» sur la question des billets de banque et de leur sécurité, a rappelé dimanche le conseiller administratif genevois Sami Kanaan, interrogé par Keystone-ATS. Il était souvent consulté par les banques centrales dans ce domaine.

Artiste complet

Le magistrat genevois s'est dit touché par le décès d'un «grand artiste» et d'un «excellent artisan». Roger Pfund était quelqu'un de «très créatif», «très complet» et «extrêmement talentueux dans l'usage des différentes techniques», a-t-il dit.

En cinquante ans de carrière, Roger Pfund a en effet abordé tous les domaines, du graphisme à l'architecture en passant par le design et les papiers valeurs. Ses billets de banque, affiches et ouvrages véhiculent l'esprit de sa peinture. Elle nourrit tout ce qu'il entreprend et constitue son laboratoire de recherche.

L'artiste peint des icônes comme Maria Callas, Arthur Rimbaud ou Marcel Proust. Grâce à sa renommée internationale, des rétrospectives lui sont consacrées de Pékin à Genève, sa ville de coeur, où il crée une oeuvre monumentale pour les 50 ans de l'ONU.

Faillite en 2016

Malgré son succès, son atelier de graphiste, qui avait quitté Carouge pour rejoindre Plainpalais à Genève, finira par faire faillite en 2016. L'atelier avait occupé jusqu'à près de 20 collaborateurs. Mais les dernières années, il n'en totalisait plus que sept, dont M. Pfund, son fils et cinq graphistes.

L'ancien banquier François Rouge avait investi à perte plus de 500'000 francs. L'artiste et sa femme avaient aussi engagé beaucoup d'argent.