Aveux inexploitables Les agents infiltrés ont exercé des pressions excessives

aula, ats

20.4.2022 - 12:28

Le Tribunal fédéral rejette un recours du Ministère public zurichois suite à l'acquittement d'un homme accusé de l'assassinat de sa femme. La justice cantonale a estimé à bon droit que les pressions exercées par des agents infiltrés étaient telles que les aveux du prévenu étaient inexploitables.

Les enquêteurs avaient imaginé une opération secrète en 2015: un agent infiltré avait noué une amitié avec le suspect, puis une autre policière avait joué le rôle de voyante extra-lucide.
Les enquêteurs avaient imaginé une opération secrète en 2015: un agent infiltré avait noué une amitié avec le suspect, puis une autre policière avait joué le rôle de voyante extra-lucide.
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La femme avait été abattue en 2009 de cinq coups de feu devant sa porte. Son mari avait toujours nié les accusations portées contre lui. Face à ses dénégations, les enquêteurs avaient imaginé une opération secrète en 2015: un agent infiltré avait noué une amitié avec le suspect, puis une autre policière avait joué le rôle de voyante extra-lucide.

Les deux enquêteurs avaient exploité les craintes du suspect à l'égard des forces occultes – il croyait en particulier que sa victime était habitée par un esprit maléfique. En échange de leur protection, l'homme avait fini par avouer son crime. La Cour suprême du canton de Zurich l'avait acquitté en 2020, estimant qu'il avait fait l'objet de pressions illicites.

Tromperie licite en principe

Dans son recours, le Parquet zurichois a argumenté que l'investigation secrète ne violait pas le droit à un procès équitable. Si la justice estimait que les agents étaient allés trop loin, il faudrait en tenir compte uniquement au moment de fixer la peine. Les aveux en eux-mêmes devaient rester exploitables.

L'utilisation d'agents infiltrés est en principe admissible afin d'élucider une infraction déjà commise, reconnaît le Tribunal fédéral dans un arrêt publié mercredi. En outre, une part de tromperie est inhérente à l'investigation secrète. Il est même possible d'obtenir par ce biais des déclarations d'un suspect par lesquelles il s'incrimine lui-même.

Toutefois, l'investigation secrète ne doit pas servir à contourner le droit de refuser de déposer ou à forcer l'intéressé à s'auto-incriminer, souligne la Cour de droit pénal. En l'occurrence, les agents ont manoeuvré de manière à ce que l'aveu paraissait au suspect comme la seule issue pour se protéger lui et ses enfants.

L'importance du droit à garder le silence et du droit de ne pas s'accuser soi-même est ici déterminante, car ces droits sont au coeur du droit à un procès équitable. En outre, la valeur probante d'aveux obtenus sous une telle pression est discutable: selon les circonstances, même un innocent peut être amené à faire de telles déclarations, conclut la cour. (arrêt 6B_210/2021 du 24 mars 2022)