Attaques spectaculairesLes braquages à la «lyonnaise», une époque révolue ?
AFP
8.4.2024
Plusieurs procès d'attaques spectaculaires ont fait revivre ces derniers mois la tradition des «braquages à la lyonnaise», mais le milieu a, selon plusieurs pénalistes, perdu en professionnalisme avec des équipes moins soudées et d'éventuels commanditaires extérieurs.
AFP
08.04.2024, 11:28
Gregoire Galley
L'expertise technique «s'amenuise, il y a de moins en moins d'+école lyonnaise+», explique à l'AFP Eric Mazaud, avocat général auprès de la cour d'appel du Rhône, qui suit toutes les affaires de braquages de haut vol devant les assises.
«La science des braquages a été compensée par de l'adrénaline» avec des coups «moins sophistiqués», estime le magistrat, qui a participé à la création de la Juridiction interrégionale spécialisée dans la lutte contre la criminalité organisée (JIRS) de Lyon.
Pourtant, la cour d'assises du Rhône a vu défiler ces derniers mois les auteurs de plusieurs attaques méticuleusement préparées.
Celle d'un fourgon blindé en Suisse en 2017, avec un butin record de 40 millions d'euros, «a rappelé une période où l'organisation en amont était beaucoup plus développée», juge Me Julien Charle, familier de ces dossiers depuis 15 ans.
Même minutie en 2018, quand des braqueurs prennent en otage la fille d'un convoyeur de fonds pour qu'il les laisse repartir avec 25 millions de francs suisses. La même année, des Lyonnais arborant des masques de «papy» braquent une bijouterie au Luxembourg.
«A tiroirs»
Pour autant, les «équipes» jugées à Lyon pour ces affaires n'ont «plus la même technicité» que celles qui ont construit «la marque lyonnaise», du «gang des Lyonnais» des années 1970 à celui des «lessiveurs» des années 2000, estime Me Sylvain Cormier, qui a défendu de nombreux braqueurs dans sa carrière.
Même s'il reste «des équipes chevronnées», avec «des pères de famille installés» dans la vie, ainsi que des «conseillers techniques d'une soixantaine d'années», leurs membres sont moins habitués à travailler ensemble, observe un magistrat proche de ces dossiers.
Me Stéphanie Rogeron, qui a elle aussi représenté plusieurs braqueurs, relève que les équipes sont désormais «à tiroirs», faites d'"un cerveau et d'hommes de main de confiance", auxquels s'ajoutent «les petites mains», plus jeunes, moins expérimentées.
«On voit arriver beaucoup de jeunes qui veulent se lancer» dans le braquage et «qui font n'importe quoi», décrit Me Maxence Pascal, avocat habitué à ces affaires.
«Le temps où les équipes de braqueurs étaient des frères d'armes est terminé», renchérissait en mars, au procès du vol de 90 kg de métaux précieux, un ténor du barreau lyonnais, Me Samir Dris.
Et leurs cibles ont, selon lui, évolué: «il y a eu les banques, il y a eu les fourgons, il y a eu les bijouteries, maintenant il y a de plus en plus les armureries».
«Commanditaires»
Surtout, la dernière vague de braquages se caractérise par l'ombre de commanditaires extérieurs liés au trafic de drogues. Au point d'être au coeur des débats dans le procès en janvier du braquage record de 2017.
Avocate de l'un des accusés, Me Rogeron partage l'hypothèse, émise par plusieurs pénalistes avertis, que la vague des braquages de 2017-2021 réponde à «des commandes de gérants de points de deal, depuis l'étranger, et qui ont eu besoin de fonds pour investir» dans le trafic de stupéfiants.
«Ca a été soupçonné et c'est vrai qu'on a dans plusieurs dossiers des exécutants qui semblaient agir sur renseignements, conseils ou instructions» venus du monde de la drogue, abonde Me Julien Charle.
Réel ou supposé, «le commanditaire est toujours dans les dépositions» des mis en cause, sans être identifié, confirme l'avocat général Eric Mazaud.
Pour autant, il est difficile selon lui d'avoir des certitudes, «parce qu'on n'arrive pas à savoir ce qu'ils auraient fait de l'argent, s'ils n'avaient pas été pris».
Car la plupart des récents braquages se sont terminés par de vastes coups de filet, avec récupération de tout ou partie du butin. Et c'est là encore une différence fondamentale avec la «vieille école», le gang des Lyonnais ou les lessiveurs ayant multiplié les attaques avant même d'être identifiés.