Électrocutions, coups, ... Les récits de tortures se multiplient en Ukraine

AFP

21.9.2022

Électrocution des organes génitaux, coups de pied : après la retraite des forces de Moscou de la région de Kharkiv, un Ukrainien est venu à la police pour témoigner de l'enfer qu'il a vécu pendant l'occupation.

AFP

«Oleksandre» - un homme de 40 ans dont l'AFP a accepté de dissimuler l'identité car il a de la famille dans la péninsule ukrainienne de Crimée annexée par la Russie - a déclaré avoir été arrêté le 22 mars par des hommes armés dans deux SUV.

Ses ravisseurs, a-t-il dit, se sont avérés être des membres de la milice de la République populaire de Lougansk, autoproclamée en 2014 avec le soutien de Moscou dans l'est de l'Ukraine.

Vétéran de l'opération militaire de Kiev contre ces séparatistes prorusses de l'Est, Olexandr dit avoir été une cible de premier choix pour ses hommes. Ses souvenirs sont aussi traumatisants que douloureusement confus.

De retour sur les lieux de son tourment dans un bâtiment ferroviaire ravagé à trois petits kilomètres de la frontière russe, il emmène d'abord les journalistes dans une cave humide. Il regarde autour de lui, mais l'endroit ne semble pas être le bon. Il conduit alors l'AFP au bureau des douanes, au premier étage de la gare de Kozatcha Lopan.

Saisissant un chiffon, il balaie les morceaux de verre au sol puis s'allonge pour montrer comment il s'agitait convulsivement lorsque ces interrogateurs de la milice prorusse avaient attaché un câble électrique à son pénis.

Comme du métal fondu

Mais il a toujours des doutes. Ce n'est toujours pas l'endroit qu'il cherche. Il fouille des armoires explosées, parmi des panneaux ukrainiens défigurés par le symbole «Z» des troupes russes puis se rend compte: c'était dans le bureau suivant. C'est ici qu'il a été battu, frappé à coups de pied et électrocuté à plusieurs reprises.

Après un coup de jus au niveau de ses parties génitales, il a sursauté si fortement que ses ravisseurs ont dû protéger sa tête contre le sol afin de le garder conscient pour l'interrogatoire, se souvient Oleksandre.

«Je me tenais ici comme ça et ils ont commencé à me donner des coups de pied partout», a-t-il raconté à l'AFP, les mains derrière la tête, avant de se baisser et se tordre. «Je leur ai dit de ne pas me frapper, car j'ai une hernie, mais ensuite ils ont baissé mon pantalon», a-t-il poursuivi. «Ils l'appelaient "thérapie par électrochoc" quand ils m'ont électrocuté».

«J'avais l'impression qu'ils versaient du métal fondu dans mon corps». Oleksandre a été détenu pendant cinq jours à la gare de la petite ville de Kozatcha Lopan où il a vécu toute sa vie, puis transféré dans une prison plus grande à Goptivka.

Le 17 avril, ses ravisseurs l'ont subitement laissé partir, probablement, estime Oleksandre, car ils avaient besoin d'espace pour de nouveaux prisonniers de guerre ukrainiens.

De retour à Kozatcha Lopan, qui a été une des premières villes à tomber après le début de l'invasion russe en février, il a contacté la police ukrainienne en septembre, après la libération de cette localité par l'armée ukrainienne. Une spectaculaire contre-offensive qui a permis aux forces de Kiev de reprendre de vastes zones notamment dans la région de Kharkiv (est).

Suivant l'avancement de l'armée, la police et les procureurs sont arrivés pour enquêter sur les crimes de guerre présumés. Oleksandre était parmi ceux venus témoigner.

«Tout est confirmé»

Après la découverte de centaines de tombes dans la région de Kharkiv, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé les forces russes d'être des «meurtriers» et des «tortionnaires». Des accusations rejetées par Moscou qui a parlé de «mensonges».

Aujourd'hui, la route menant de Kharkiv à Kozatcha Lopan est creusée par d'énormes cratères de roquettes et d'obus. Des Lada barbouillées de «Z» russes gisent détruites dans les fossés et la situation reste tendue.

Alors même qu'une procureure ukrainienne mène son enquête à Kozatcha Lopan, on entend le bruit des tirs d'obus sortants. «Les personnes qui travaillaient comme soi-disant "policiers" dans la soi-disant "police populaire" (prorusse) sont connues», a affirmé à l'AFP la procureure locale pour les crimes de guerre, Kateryna Chevtsova, dans le bâtiment de l'administration locale.

«Des mesures pour les traduire en justice seront prises dans les prochains jours. La plupart d'entre eux étaient des locaux», a souligné Mme Chevtsova, entourée de policiers armés.

Elle veut agir rapidement, sûre d'avoir toutes les preuves contre ceux qui ont collaboré avec les envahisseurs. «Aujourd'hui, nous avons effectué une inspection des sous-sols, où, comme nous le savons tous d'après les preuves, des gens ont été torturés», explique-t-elle. «Tout est confirmé».

«Juste avant cela, nous avons inspecté le bâtiment où était basée la soi-disant police populaire. Dans ce bâtiment, il y a un sous-sol où des gens ont été torturés».