La communauté internationale reste divisée sur l'offensive lancée par le maréchal Khalifa Haftar sur Tripoli. La capitale libyenne et siège du gouvernement d'union (GNA) a été ciblée mardi soir par des tirs de roquettes qui ont fait au moins trois morts.
Soumis lundi soir par le Royaume-Uni à ses 14 partenaires du Conseil de sécurité de l'ONU, un projet de résolution sur la Libye, réclamant un cessez-le-feu et un accès humanitaire inconditionnel aux zones de combats près de Tripoli, ne fait toujours pas l'unanimité, selon des diplomates de l'ONU.
Depuis le début le 4 avril de son offensive, l'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar piétine au sud de la capitale, même si elle proclame quotidiennement des percées.
Les combats ont fait en deux semaines au moins 189 morts – parmi lesquels des civils -, 816 blessés et plus de 18'000 déplacés, selon un nouveau de l'Organisation mondiale de santé (OMS).
Au moment où le Conseil se réunissait mardi soir à New York, la capitale libyenne était la cible de plusieurs roquettes dont les explosions ont secoué le centre de la ville.
Six personnes, dont trois femmes, ont été tuées dans les quartiers résidentiels d'Abou Slim et Al-Antissar, dans le sud de Tripoli, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha).
Le maire du quartier d'Abou Slim, Abdelrahman Al-Hamdi, a confirmé le bilan de six morts, ajoutant que 35 autres personnes avaient été blessées. Un précédent bilan des services de secours faisait état de trois morts et huit blessés.
Fayez al-Sarraj, le chef du GNA reconnu par la communauté internationale, s'est rendu sur place dans la nuit.
«Crimes de guerre»
Dans une vidéo diffusée par son service de presse, il a dénoncé «la sauvagerie et la barbarie» du maréchal Haftar qu'il qualifie de «criminel de guerre».
«Nous allons présenter demain tous les documents à la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité», ajoute-t-il.
M. Sarraj estime qu'il était «de la responsabilité juridique et humanitaire du Conseil de sécurité (de l'ONU) et de la communauté internationale, de tenir ce criminel responsable de ses actes».
L'ANL réfute
Mais l'ANL du maréchal Haftar a démenti être à l'origine des tirs, et dénoncé des «actes terroristes». Dans un communiqué, «le commandement général» de l'ANL accuse des «milices terroristes qui contrôlent la capitale de tirer aveuglément des roquettes de type Grad et des obus» sur la ville.
Mardi, la procureure de CPI Fatou Bensoudau a prévenu qu'elle «n'hésitera pas» à élargir ses enquêtes pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité en Libye.
«Personne ne doit douter de ma détermination à cet égard», a affirmé la procureure de la CPI qui a son siège à La Haye dans un communiqué. A New York, un projet de résolution réclamant un cessez-le-feu est toujours en négociations au Conseil de sécurité de l'ONU.
La Russie qui avait bloqué la semaine dernière un projet de déclaration du Conseil invitant l'ANL à suspendre son offensive continue à soulever des objections quant aux références critiquant Haftar, selon un diplomates de l'ONU. «Ils étaient très clairs. Aucune référence nulle part», a dit ce diplomate.
Pas de cessez-le-feu
Jusqu'à présent, le maréchal Haftar ne veut pas entendre parler d'un cessez-le-feu. Et Fayez al-Sarraj refuse tout processus politique s'il n'y a pas au préalable un cessez-le-feu et un retrait sur les lignes d'avant le début de l'offensive. «Des positions irréconciliables», note un diplomate.
Au Conseil de sécurité, «tout le monde veut éviter une guerre civile longue avec beaucoup de victimes civiles», indique un autre diplomate. Avec l'enlisement sur les fronts qui semble se profiler, le risque est grand que les belligérants cherchent à se réarmer auprès de leurs soutiens pour faire la différence.
L'ANL veut légitimer son offensive sur la capitale en la présentant comme une guerre contre le «terrorisme». «Nous nous battons pour toute l'humanité, pas seulement pour la Libye. Nous voulons débarrasser la capitale des terroristes», a martelé mardi soir son porte-parole Ahmad Al-Mesmari.
Le GNA a démenti que ses forces comptaient des personnes accusées de terrorisme dans leurs rangs, accusant Haftar de vouloir «vendre son agression» à la communauté internationale en la présentant comme une guerre contre terrorisme.
L'émissaire de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, semble du même avis. Il a estimé que l'offensive de Haftar «ressemblait davantage à un coup d'Etat qu'à une lutte antiterroriste», dans une interview lundi à la BBC.
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