«Pas de faute» commise par la police: c'est la conclusion de l'enquête administrative ouverte après l'interpellation de 151 lycéens mis à genoux à Mantes-la-Jolie (Yvelines). Il s'agit de la première décision dans une affaire qui avait indigné la France en décembre.
«L'enquête administrative a permis d'établir qu'il n'y avait (...) pas (eu) de comportements déviants de la part des policiers», a assuré Brigitte Jullien, patronne de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), auditionnée jeudi par une commission d'enquête de l'Assemblée nationale.
Elle a rappelé «le contexte très, très violent à l'époque» pour justifier les mesures prises.
Le 6 décembre 2018, après plusieurs jours de manifestations ayant dégénéré en échauffourées dans le quartier sensible du Val Fourré, la police avait interpellé 151 jeunes âgés de 12 à 21 ans, qui participaient à une manifestation dans le cadre de la mobilisation nationale des lycéens.
Indignation
Une vidéo de ces lycéens à genoux dans le jardin d'un pavillon, mains sur la tête, pour certains menottés dans le dos et tenus en respect par les policiers, avait fait le tour des réseaux sociaux et provoqué l'indignation dans la classe politique.
Un syndicat lycéen, l'UNL, avait aussitôt porté plainte, rapidement imité par plusieurs familles des jeunes interpellés.
«A Mantes-la-Jolie, les jeunes ont été filmés, humiliés, sans respect de la présomption d'innocence lors des gardes à vue», avait dénoncé Laurence Roques, présidente du Syndicat des avocats de France. «Les avocats n'ont pas été attendus pour auditionner les mineurs», avait-elle déploré, estimant qu'il n'y avait eu «aucun respect des procédures».
Le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer lui-même avait reconnu avoir été «choqué» en découvrant les images.
Parallèlement à l'enquête administrative, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Versailles en février. Elle a depuis été dépaysée à Nanterre et confiée elle aussi à la «police des polices». Le Défenseur des droits avait de son côté annoncé l'ouverture d'une troisième enquête.
«Déni de violence»
«Par ses déclarations, Brigitte Jullien porte atteinte à la crédibilité de l'IGPN», a déploré auprès de l'AFP Me Arié Alimi, avocat d'une vingtaine de lycéens, après avoir appris les conclusions de l'enquête administrative.
«La directrice de l'IGPN fait de la politique, comme M. Castaner qui nie l'existence de toute violence», a-t-il ajouté.
L'avocat a déposé une plainte avec constitution de partie civile le 6 mai pour forcer la saisie d'un juge d'instruction, seule garantie possible d'indépendance pour les investigations à ses yeux.
«Aucun lycéen n'a été entendu» au cours de l'enquête administrative. Elle ne sert qu'à «donner des éléments de langage au ministère de l'Intérieur», a-t-il poursuivi.
L'avocat s'est en outre étonné que «le rapport administratif ne soit pas dans l'enquête judiciaire».
De son côté, Yessa Belkhodja, porte-parole du Collectif de défense des jeunes du Mantois, qui soutient les familles concernées par cette affaire, s'est dite «pas étonnée mais scandalisée» par les déclarations de la cheffe de l'IGPN.
La police des polices «couvre les forces de l'ordre, alors que rien n'a été fait de manière déontologique: un môme a perdu trois dents, d'autres se sont pris des coups de godillots, de matraque, ont été insultés... alors que la plupart n'avaient rien fait», a-t-elle énuméré auprès de l'AFP.
En «justifiant la normalité de ces interpellations», Mme Jullien s'est rendue coupable d'un «déni de violence», a-t-elle encore estimé.
Depuis lundi, plusieurs lycéens ont été entendus par les enquêteurs la «police des polices» chargés du volet judiciaire du dossier. «Ce qu'on entend au cours de ces auditions est effrayant», a assuré Me Alimi. «Des violences, des insultes, des humiliations, des actes de torture et de barbarie, a-t-il énuméré, c'est bien plus grave que ce qu'on voit sur la vidéo».
Il a d'ailleurs demandé à ce que l'ensemble des 151 lycéens interpellés en décembre soient entendus par les enquêteurs.
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