Des milliers de personnes ont manifesté samedi en France contre le racisme et les violences policières, sur fond de colère chez les forces de l'ordre et à la veille d'une allocution du président Emmanuel Macron.
A Paris, des tensions ont éclaté et la police a tiré des gaz lacrymogènes après avoir reçu quelques projectiles après trois heures de rassemblement statique, les manifestants étant bloqués à leur point de départ.
Des milliers de personnes se sont rassemblées – 15'000 d'après les chiffres de la préfecture de police de Paris (PP) – sur la place de la République à l'appel du comité Adama Traoré, jeune homme noir mort en juillet 2016 après son interpellation par des gendarmes en région parisienne.
Au tout début du rassemblement, Assa Traoré, la soeur du jeune homme et figure du comité, a pris la parole invitant la foule à «dénoncer le déni de justice», «la violence sociale, raciale, policière», réclamant à nouveau la mise en examen des gendarmes impliqués dans l'interpellation de son frère.
«Quand le peuple français descend, c'est qu'on réclame tous la même chose, une justice juste pour tout le monde», a-t-elle ajouté.
Dans la foule, de nombreux jeunes vêtus d'un T-shirt noir floqué de la demande portée depuis quatre ans par la famille Traoré: «Justice». Des pancartes proclament: «Tant que nous n'aurons pas la justice, vous n'aurez pas la paix», «On doit être la dernière génération à manifester pour ça».
«Je suis ici pas seulement pour Adama, mais contre toutes les violences policières. Pour moi, la police est là pour maintenir l'ordre, pas pour abuser de ses fonctions. Malheureusement, ils le font souvent», explique N'guessan Dylan, 19 ans, en licence de droit. «Je suis là depuis le début, c'est compliqué d'être bloqué, je cherche mes amis, j'arrive pas à sortir», a-t-il ajouté alors que la police bloquait plusieurs accès à la place.
Comité Adama
Le 2 juin, le comité Adama avait mobilisé 20'000 personnes devant le tribunal judiciaire de Paris, et s'est imposé comme le fer de lance de la lutte contre les violences policières. Son discours s'est élargi, de la dénonciation de violences policières à celle d'un «racisme systémique», trouvant un écho puissant après la mort de George Floyd, qui a suscité une vague planétaire d'indignation.
Estimant que c'était «odieux» comme façon de procéder, le chef de file de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon a demandé depuis la place de la République à ce que l'on «laisse les gens se déplacer».
En marge du défilé, 12 personnes ont été interpellées d'après la PP après le déploiement en haut d'un immeuble par des militants identitaires d'une banderole rouge et blanche portant l'inscription: «Justice pour les victimes du racisme anti blanc».
D'autres défilés ont eu lieu à travers la France, comme à Bordeaux, où environ 500 personnes ont défilé dans une atmosphère bon enfant. A Lyon, où environ 2000 personnes s'étaient rassemblées, la fin de manifestation s'est tendue entre quelques dizaines de manifestants et les forces de l'ordre, qui ont fait usage d'un véhicule lanceur d'eau et de gaz lacrymogène.
Dans les prises de parole qui avaient précédé, l'attention s'est portée sur des jeunes de la région comme Mehdi, mort en 2016 en scooter à Vénissieux après avoir tenté d'échapper à un contrôle de police. Ou Wissam, décédé en 2012 à Clermont-Ferrand après son interpellation dans des conditions controversées.
«Ne pas perdre la jeunesse»
«Il ne faut pas perdre la jeunesse», s'est inquiété jeudi le chef de l'Etat, dont l'allocution dimanche soir sera autant scrutée par les militants antiracistes que des policiers épuisés, écoeurés d'être «jetés en pâture» par leur ministre, Christophe Castaner.
Le racisme est «une maladie qui touche toute la société», a déclaré mercredi en Conseil des ministres Emmanuel Macron, tout en défendant les forces de l'ordre «dont l'écrasante majorité ne saurait être salie».
Le ton est à l'apaisement après une semaine difficile pour l'exécutif. Pressé d'agir, le ministre de l'Intérieur avait annoncé des sanctions de policiers en cas de «soupçon avéré» de racisme, avant de reconnaître une erreur.
Dans un communiqué vendredi soir, il a en revanche confirmé la suppression de la technique d'interpellation dite «d'étranglement», qui ne sera plus enseignée.
Évoquant une lettre adressée par le ministre aux forces de l'ordre, Frédéric Lagache, du syndicat Alliance, affirme que cela ne suffira pas à apaiser la colère de policiers «blessés et touchés dans leur honneur» et qui attendent «d'être reçus» par M. Macron.
Retour à la page d'accueil