Le procès de Marine Le Pen, de 24 autres personnes et du Rassemblement national, soupçonnés d'avoir détourné des fonds du Parlement européen pour payer des salariés du parti, s'ouvre lundi devant le tribunal correctionnel de Paris, une affaire aux lourds enjeux politiques pour la cheffe de file de l'extrême droite.
Vont comparaître neuf anciens eurodéputés du Front national (rebaptisé RN), dont Marine Le Pen, Louis Aliot, aujourd'hui vice-président du RN, l'ex-numéro 2 du parti Bruno Gollnisch, ou encore le député et porte-parole du RN Julien Odoul.
A leurs côtés, 12 personnes ayant été leurs assistants parlementaires et quatre collaborateurs du parti seront aussi jugés dans ce procès prévu trois demi-journées par semaine jusqu'au 27 novembre.
La cheffe de file du RN a fait savoir qu'elle comptait se rendre autant que possible face aux juges, mais mardi, elle pourrait privilégier la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre Michel Barnier à l'Assemblée nationale.
«Nouveaux éléments»
«Marine Le Pen a choisi d'être très présente dans ce procès. Certains disent +elle va se cacher, elle viendra pas+. Non, pas du tout. Ce n'est pas le genre de la maison», a assuré dimanche sur RTL le député RN Sébastien Chenu, promettant que Mme Le Pen avancerait «un certain nombre de nouveaux éléments».
L'affaire a débuté en 2015 par un signalement du président du Parlement européen Martin Schulz et concerne de très nombreux contrats d'attachés parlementaires sur une période de plus de dix ans (2004-2016).
Pour l'accusation, ces «assistants», bien en peine de décrire leurs tâches, n'en avaient que le titre. Certains n'avaient jamais même rencontré leur employeur officiel ou mis les pieds au Parlement et ne travaillaient, selon l'accusation, que pour le parti - ce qui est interdit dans la réglementation européenne.
Il s'agit notamment du garde du corps historique du fondateur du FN Jean-Marie Le Pen, Thierry Légier, de sa secrétaire, de la cheffe de cabinet de Marine Le Pen, Catherine Griset, ou encore du graphiste du parti...
«Marine, serait-il possible que je vienne à Strasbourg demain pour voir comment se déroule une session» au Parlement, «et faire la connaissance de Mylène Troszczynski à qui je suis rattaché ?», écrivait Julien Odoul en février 2015, soit quatre mois après le début de son contrat d'assistant parlementaire de Mme Troszczynski. «Oui bien sûr», avait répondu Marine Le Pen.
Les prévenus, jugés notamment pour détournement de fonds publics ou complicité de ce délit, encourent un maximum de dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende et surtout une peine d'inéligibilité de dix ans susceptible d'entraver les ambitions présidentielles de Marine Le Pen pour 2027.
«Mais il n'y a pas de raison qu'elle soit déclarée inéligible puisque François Bayrou, poursuivi pour les mêmes faits, président de parti politique lui aussi, a été relaxé. Donc ce qui vaut pour l'un devrait valoir pour l'autre», veut croire M. Chenu.
La plupart des prévenus contestent en bloc, évoquant une «mutualisation» du travail des assistants parlementaires. Le RN dénonce depuis des années un «acharnement», voire une procédure «politique».
«Système ?»
«Nous n'avons rien à nous reprocher dans cette affaire», déclarait dans le Parisien mi-septembre Marine Le Pen, 56 ans, disant tenir à expliquer à la barre que les assistants parlementaires ne sont «pas des salariés du Parlement européen» et ont «évidemment vocation, pour un certain nombre d'entre eux, à faire de la politique».
«Ce n'est pas un procès politique car les juges ne font pas de politique, mais c'est un règlement de compte politique de la majorité du Parlement européen», abonde auprès de l'AFP Me Alexandre Varaut, avocat et député européen RN.
Le Parlement européen, partie civile, a évalué son préjudice financier à trois millions d'euros. Il ne réclamera que deux millions, un million ayant déjà été remboursé (ce qui n'est pas un aveu de culpabilité, a assuré le RN).
Le parquet de Paris a évoqué en septembre 2023 «un véritable système mis en place pour faire supporter, par le Parlement européen, une partie des charges de fonctionnement du FN via la prise en charge des salaires d'un nombre croissant de ses employés».
Ce «système», validé par Jean-Marie Le Pen puis sa fille, selon l'accusation, se serait accéléré avec l'entrée au Parlement en 2014 de 23 eurodéputés FN (contre trois auparavant).
Jean-Marie Le Pen, 96 ans, ne comparaîtra pas, une expertise ayant déterminé qu'il n'était pas «en état» d'être jugé pour des raisons de santé, comme l'ex-eurodéputé Jean-François Jalkh.