Aide au suicide Médecin acquittée de l'accusation de meurtre

ATS

9.7.2019 - 18:40

La sexagénaire s'est suicidée en s'injectant du pentobarbital sodique (photo symbolique).
La sexagénaire s'est suicidée en s'injectant du pentobarbital sodique (photo symbolique).
Source: KEYSTONE/ALESSANDRO DELLA BELLA

Une médecin de Bâle-Campagne a été acquittée de la prévention de meurtre par le Tribunal pénal, mardi à Muttenz (BL). Elle était accusée d'avoir pratiqué une aide au suicide irrégulière sur une sexagénaire en 2016.

La prévenue a en revanche été condamnée à 15 mois de prison avec sursis pendant quatre ans pour violation du droit sur les produits thérapeutiques. Pendant la période probataire, la médecin est interdite de pratiquer l'aide au suicide pour des patients souffrant de maladies psychiques.

Elle doit aussi payer une amende de 20'000 francs. Les frais de procédure et de procès s'élèvent au total à 59'000 francs, dont les trois quarts sont à la charge de la prévenue. Le Ministère public et la prévenue ont dix jours pour faire appel de ce jugement.

Rapport «fiable»

Pour le tribunal, le rapport psychiatrique post mortem est «fiable» et conçu correctement. Les juges disposent toutefois de liberté dans l'analyse légale de ce document. Ils estiment que la sexagénaire n'était pas dans l'incapacité de savoir quelles étaient les conséquences de son choix de mourir.

La sexagénaire avait évalué correctement sa qualité de vie et sa perte d'autonomie quand elle est entrée dans le home médicalisé. Seule sa capacité d'évaluer sa future qualité de vie était altérée par sa maladie psychique, selon le président du tribunal. Elle ne pouvait pas estimer l'utilité de thérapies supplémentaires. Celles-ci n'auraient dans le meilleur des cas que réduit les symptômes, comme le souligne le rapport, a précisé le juge.

Droit sur les produits thérapeutiques

Comme le Ministère public, les cinq juges du Tribunal pénal de Bâle-Campagne ont en revanche estimé que la médecin a enfreint à de multiples reprises le droit sur les produits thérapeutiques. Les substances utilisées pour l'aide au suicide sont soumises à des règles particulières.

Ces préparations doivent être clairement caractérisées avec la mention du nom, du prénom et de la date de naissance de la personne à qui le produit est destiné. La préparation réalisée pour un patient déterminé ne peut pas être utilisée pour une autre personne.

Or la médecin disposait de doses dont les étiquettes n'avaient pas les informations requises. Elle a aussi changé les étiquettes de doses prescrites pour des personnes déterminées afin de les utiliser pour d'autres patients.

Cinq ans de prison requis

La procureure avait requis une peine de cinq ans de prison pour meurtre et une peine pécuniaire de 100 jours-amendes à 100 francs (10'000 francs). Selon l'acte d'accusation, la sexagénaire n'était pas capable de discernement. La médecin âgée de 61 ans, qui est présidente de l'organisation d'aide au suicide Life Circle/Eternal Spirit, a agi par «idéalisme personnel», estime le Ministère public.

Selon l'acte d'accusation, la prévenue n'a pas demandé de rapport psychologique externe, bien qu'elle sache que cela était exigé. Elle a élaboré elle-même un rapport destiné à Life Circle/Eternal Spirit et elle a aussi demandé un court rapport médical de deux pages à un médecin de famille qu'elle connaît.

C'est ensuite la prévenue qui a donné le feu vert pour l'accompagnement vers la mort en sachant sciemment, ou tout au moins en acceptant le fait que la sexagénaire n'était pas capable de discernement, selon l'accusation. La médecin lui aurait même «suggéré» qu'elle était capable de discernement.

La procureure a aussi affirmé que la sexagénaire s'était tournée vers Life Circle/Eternal Spirit après le refus de l'association alémanique Exit de l'aider à se suicider. La prévenue a accompagné la sexagénaire vers la mort dans le local de Life Circle/Eternal Spirit à Liestal.

Rapport post mortem

L'accusation s'est appuyée sur un rapport psychiatrique qui établit post mortem que la sexagénaire souffrait de graves troubles dépressifs et du trouble de somatisation. La femme s'était, sans doute, rendu compte elle-même de sa maladie psychique, mais elle n'avait pas voulu l'admettre. Il en serait résulté une volonté «biaisée» de mourir, selon ce rapport du directeur de la clinique forensique des établissements psychiatriques universitaires de Bâle-Ville.

La défense avait plaidé l'acquittement sans peine pécuniaire. La médecin a évalué licitement que la sexagénaire était capable de discernement au moment de prendre la substance létale, du pentobarbital sodique.

Moments de lucidité

Selon l'avocat de la médecin, le rapport psychiatrique présenté par l'accusation est incomplet et n'est pas recevable du point de vue du droit. Il atteste aussi que des moments de lucidité sont possibles. La défense a aussi rappelé qu'Exit n'avait pas refusé de s'occuper de la sexagénaire, mais que l'association avait exigé un certificat médical.

L'association alémanique d'aide au suicide Exit salue le jugement du Tribunal pénal et le fait que la médecin ne soit pas condamnée à une peine de prison ferme. L'organisation est satisfaite que les juges respectent l'autonomie des patients. Le jugement ne relance pas le débat sur l'aide au suicide qui est, selon Exit, très bien réglementée en Suisse.

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