L'agriculteur Paul François a remporté jeudi à Lyon une nouvelle bataille dans le long combat qu'il mène face à la firme américaine Monsanto, filiale du groupe allemand Bayer. Il lutte depuis son intoxication en 2004 par un désherbant.
M. François avait déjà obtenu gain de cause en première instance en 2012 et en appel en 2015, mais Monsanto s'était pourvu en cassation avant que l'affaire soit de nouveau examinée devant la cour d'appel le 6 février. «Monsanto a été reconnu responsable du dommage causé à Paul François», a annoncé la cour, précisant avoir pris cet arrêt sur le fondement de «la responsabilité du fait de produits défectueux», comme réclamé par la cour de cassation.
Dans son arrêt, dont l'AFP a obtenu copie, la cour reproche à Monsanto «de ne pas avoir sur l'étiquetage et/ou l'emballage du produit apposé une mention sur la dangerosité spécifique des travaux dans les cuves et réservoirs».
«Les connaissances techniques de ce dernier (Paul François), à les supposer avérées, ne pouvaient pallier le manque d'information sur le produit et ses effets nocifs, un exploitant agricole n'étant pas un chimiste», ajoute la cour.
«Honte à eux!»
A Paris, Paul François a qualifié cette nouvelle victoire de «message au gouvernement actuel», appelant les politiques à «prendre leurs responsabilités». «Honte à eux ! Ils seront jugés par l'Histoire pour leur inaction», a-t-il déclaré à la presse.
Le président français Emmanuel Macron «avait dit qu'il prendrait ses responsabilités pour une autre agriculture, pour retirer le glyphosate», mais «il ne l'a pas fait, donc maintenant on sait pour qui il roule, il roule pour Bayer», a estimé le fondateur de l'association Phytovictimes.
Comme attendu, la cour n'a pas statué sur d'éventuels dommages et intérêts, qui feront l'objet d'une procédure distincte devant le TGI de Lyon, mais a condamné Monsanto à verser 50'000 euros de frais d'avocat à M. François.
L'avocat de Monsanto, Me Jean-Daniel Bretzner, a regretté cet arrêt devant la presse, affirmant qu'il «engage la responsabilité du producteur, or Monsanto France n'a jamais rien produit. Le producteur est la société Monsanto Europe. C'est une société tierce dans cette procédure», a-t-il insisté. «Monsanto se réserve le droit de se pourvoir en cassation, c'est probablement l'étape qui viendra», a-t-il ajouté.
«Négligence»
Lors de l'audience en février Me Bretzner avait pointé la «négligence» de l'agriculteur ce jour d'avril 2004 où ouvrant une cuve au cours d'un épandage il avait inhalé des vapeurs de Lasso, qu'il savait «pertinemment» être «des produits dangereux» selon l'avocat.
Après cet accident avec l'herbicide de Monsanto, M. François avait fait plusieurs malaises et été longuement hospitalisé. Il assure souffrir depuis de graves troubles neurologiques. Le Lasso est interdit en France depuis novembre 2007, mais il fut banni du Canada dès 1985, puis en 1992 en Belgique et au Royaume-Uni.
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