«Les Pot'âgés»Ni l'Ehpad ni l'isolement: à Strasbourg, dix seniors vieillissent ensemble
Relax
9.2.2025 - 20:16
Ni l'Ehpad, ni l'isolement, mais un studio à soi et des espaces partagés: à Strasbourg, dix seniors comptent vivre autonomes le plus longtemps possible grâce à un projet d'habitat participatif.
Selon l'association Habitat participatif France, les seniors représentent aujourd'hui plus des deux tiers des candidats à l'habitat participatif.
Cecilie_Arcurs / Getty Images
ETX Studio
09.02.2025, 20:16
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Au troisième étage d'une résidence flambant neuve dans le quartier du Neudorf, au sud du centre-ville, huit femmes et deux hommes discutent dans un salon baigné de lumière. Le plus jeune a 61 ans, la plus âgée 77.
Tous ont emménagé il y a quelques semaines dans cette résidence baptisée «les Pot'âgés», un projet d'habitat locatif, aidé et participatif, sorti de terre après neuf ans de travail collectif.
«J'avais très peur de vieillir seule et je ne voulais pas peser sur mes enfants», confie Marie-Line Alard, 71 ans, qui a suivi depuis ses débuts ce projet initié par l'association «Cocon 3S». Celle-ci veut développer la cohabitation entre «seniors solos solidaires».
«Notre hantise, c'est d'aller à l'Ehpad. Ici on pourra s'entraider, se préparer des repas, appeler le médecin si ça ne va pas», explique Marie-Line.
«Petits services»
«On se rend des petits services», raconte Paulette Soller, 72 ans. «Par exemple Alain m'a aidée à monter des meubles.»
Aux «Pot'âgés», chaque locataire dispose de son propre studio – de 29 à 35 mètres carrés – avec salle de bains et kitchenette, et tous profitent de 150 m2 d'espaces communs dont une cuisine ouverte sur un grand salon, une buanderie, une salle destinée aux soins thérapeutiques, une terrasse et un jardin.
Selon Jacqueline Dollinger, 70 ans, «l'être humain n'est pas fait pour vivre seul. Même si on a besoin de périodes de solitude, au quotidien c'est quand même important d'avoir des potes».
«Ici on se retrouve entre seniors, mais la maison n'est pas fermée, on va accueillir nos enfants, nos petits-enfants, nos amis et je crois que comme ça, on sera bien», ajoute-t-elle.
Les espaces partagés incluent une chambre d'amis, ce qui a permis à Paulette Soller de recevoir son fils, qui habite à Lyon: «il était enchanté du lieu et j'étais ravie, moi aussi».
Chaque membre du groupe a pu donner son avis à chaque étape de la conception. Ils ont ainsi insisté pour que chaque habitant ait son balcon individuel.
Ils occupent des logements sociaux: trois d'entre eux sont en PLAI (pour les revenus les plus modestes), cinq en PLUS et deux en PLS (les plus élevés), pour des loyers mensuels compris entre 265 et 495 euros (sans les charges).
Les critères de sélection des locataires ont donc été les revenus ainsi que l'âge -ils doivent avoir minimum 60 ans.
Rythme de croisière
Le projet «Pot'âgés» a été soutenu par la Ville et l'Eurométropole de Strasbourg qui a mis le foncier à disposition sous forme d'un bail emphytéotique.
«Sur le territoire national, c'est le premier projet d'habitat participatif senior porté par un bailleur social, avec des logements sociaux», souligne Peio Dugoua-Macé, responsable Innovation sociale à Habitat de l'Ill, le bailleur social.
Ce côté innovant a cependant posé quelques difficultés car «la réglementation n'est pas du tout adaptée à ce type de projet», explique-t-il à l'AFP.
«Ça a été un peu laborieux, on a dû avoir une dérogation de l'État pour pouvoir engager ce projet», retrace Alain Jund, conseiller municipal en charge de l'habitat participatif.
Celui-ci espère que la réglementation puisse «évoluer» afin de «lever quelques freins administratifs» et permettre à ce modèle de «se développer au niveau national».
Selon l'association Habitat participatif France, les seniors représentent aujourd'hui plus des deux tiers des candidats à l'habitat participatif avec en ligne de mire «la perspective d'une vieillesse active, en liens et en bonne santé le plus longtemps possible».
Aux «Pot'âgés», les locataires prennent leurs marques.
«Le plus gros projet, pour l'instant, c'est d'apprendre à fonctionner ensemble et trouver notre rythme de croisière», avance Baya Moulfi, 69 ans.
Marie-Line Alard reconnaît quelques petits conflits «mais rien de grave parce qu'on a tous envie que ça marche».