France Nicolas Sarkozy: une détention historique et des questions

Valérie Passello

22.10.2025

L'ex-président français Nicolas Sarkozy est-il un détenu comme les autres ? Son incarcération contrevient-elle à l'État de droit ? Combien de nuits dormira-t-il en prison ? Pourquoi a-t-il été condamné ?

Le 21 octobre, Nicolas Sarkozy est devenu le premier ex-président français à purger une peine de prison ferme.
Le 21 octobre, Nicolas Sarkozy est devenu le premier ex-président français à purger une peine de prison ferme.
AFP

Valérie Passello

Quelques questions au lendemain de l'incarcération de l'ancien chef de l'Etat, malgré son appel de la condamnation le 25 septembre à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs.

Un détenu comme un autre ?

Non, comme l'illustrent la présence en détention de policiers pour garantir sa sécurité, un rendez-vous avec le président Emmanuel Macron avant son incarcération et la visite annoncée du ministre de la Justice Gérald Darmanin. Mais la prison reste une épreuve terrible. Nicolas Sarkozy est astreint aux règles carcérales, enfermé dans sa cellule une grande partie de la journée, doit endurer bruits et cris de détenus. La cheffe de l'extrême droite française Marine Le Pen a exprimé sur X son «dégoût» en repostant un enregistrement de hurlements insultants visant l'ancien président, qui auraient été captés lors de sa première nuit en détention.

Trois détenus de la prison de la Santé ont été placés mercredi en garde à vue après «la diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo, manifestement tournée par un détenu» de l'établissement pénitentiaire «proférant des menaces à l'arrivée dans les locaux de Nicolas Sarkozy», a-t-on appris auprès du parquet.

Va-t-il rester longtemps détenu ?

La cour d'appel a deux mois pour statuer sur sa demande de mise en liberté, déposée dans la foulée de son placement sous écrou. Les délais actuels à Paris étant plus courts, ses avocats tablent sur «un minimum de trois semaines ou d'un mois».

Retenu pour le mandat de dépôt, le trouble à l'ordre public ne sera plus un critère. Le maintien en détention n'est désormais possible que s'il est l'«unique moyen» de protéger des preuves, d'empêcher pressions ou concertations, de prévenir fuite ou récidive, ou de protéger Nicolas Sarkozy.

Sur quels éléments Nicolas Sarkozy a-t-il été condamné ?

En septembre et décembre 2005, Claude Guéant et Brice Hortefeux, «le plus proche collaborateur et l'ami», rencontrent à Tripoli le n°2 du régime libyen Abdallah Senoussi, condamné à perpétuité pour l'attentat du DC-10 d'UTA en 1989 (170 morts). Ces rencontres «pour le moins suspectes» encadrent une visite officielle de celui qui est alors ministre de l'Intérieur et candidat putatif de la droite à la présidentielle de 2007. Que les deux responsables français n'en aient pas informé Nicolas Sarkozy «n'est pas crédible», selon les juges.

À leurs yeux, ce dernier laisse ses collaborateurs, sur lesquels «il avait autorité», agir «en son nom», afin de «tenter d'obtenir des soutiens financiers en vue du financement de sa campagne électorale», en échange notamment de la «promesse de levée du mandat d'arrêt d'Abdallah Senoussi», «sujet de préoccupation très important pour les Libyens».

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En avril 2007, entre les deux tours de la présidentielle, Choukri Ghanem, ministre du Pétrole, écrit dans son journal personnel que «des dignitaires libyens, dont Abdallah Senoussi, ont envoyé de l'argent dans le but de financer» la campagne. Il évoque des sommes cohérentes avec trois mouvements de fonds de 6,5 millions d'euros mis au jour par l'enquête et effectués «dans une temporalité compatible avec la campagne», via les circuits financiers d'intermédiaires en lien direct avec l'entourage de Nicolas Sarkozy, selon le jugement.

Les enquêteurs n'ont pas établi que cet argent était «in fine» arrivé dans la campagne. Mais cela n'enlève rien à la préparation d'un pacte de corruption, estiment les juges, qui ordonnent l'incarcération eu égard à «l'exceptionnelle gravité» de faits que Nicolas Sarkozy conteste.

Condamné sur la base d'un faux ?

Comme d'autres éléments trop fragiles, le tribunal a écarté la «note Moussa Koussa» et ne l'a pas utilisée pour condamner. Évoquant un financement libyen, ce document, dont la publication entre les deux tours de la présidentielle 2012 a mis en lumière le dossier, était «probablement faux», tranchent les juges.

Nicolas Sarkozy a filé la comparaison avec le capitaine Alfred Dreyfus (faussement accusé d'espionnage au profit de l'Allemagne au XIXème siècle, une affaire d'Etat en France) et Edmond Dantès, personnage de fiction devenu comte de Monte-Cristo, deux innocents condamnés sur la foi d'un faux.

ng/bfa/abl/dth