AlsaceLe procès du déraillement mortel d'un TGV ouvert
ATS
4.3.2024 - 17:31
Le procès du déraillement de la rame d'un TGV d'essai qui a causé la mort de 11 personnes en Alsace le 14 novembre 2015, largement occulté par les attentats djihadistes meurtriers de la veille, s'est ouvert lundi devant le tribunal correctionnel de Paris.
04.03.2024, 17:31
04.03.2024, 17:33
ATS
La salle d'audience, la plus grande du tribunal parisien, avait du mal à contenir les parties civiles et familles des victimes venues en nombre pour ce procès prévu jusqu'au 16 mai.
«Ce procès s'ouvre dans une ambiance un peu particulière comme un peu dans ce train où certains étaient présents», a relevé d'emblée la présidente de la 31e chambre du tribunal.
«On a peu l'habitude d'avoir des catégories – témoins, parties civiles, prévenus – qui se confondent à ce point. Certains témoins sont parties civiles, des prévenus sont parties civiles mais tous font partie d'une catégorie polymorphe, celle de victime. Car nous sommes dans un procès où chacun a perdu quelque chose, parents, amis, travail, santé, parfois tout à la fois», a rappelé la magistrate.
«Pour tous, le tribunal essaiera d'avoir des réponses», a promis la présidente en mettant en garde sur «la charge morale lourde» qui va peser pendant les débats.
Vitesse excessive et freinage trop tardif
La SNCF, ses filiales Systra (commanditaire des essais) et SNCF Réseau (gestionnaire des voies) ainsi que trois personnes physiques (Denis T., 57 ans, le conducteur titulaire, Francis L., 64 ans, un cadre de la SNCF chargé de lui donner les consignes de freinage et d'accélération et Philippe B., 65 ans, un ingénieur de Systra, chargé de renseigner le conducteur sur les particularités de la voie) sont sur le banc des prévenus.
Ils sont poursuivis pour «homicides et blessures involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité».
Les trois personnes physiques qui comparaissent libres encourent chacune trois ans d'emprisonnement et 45'000 euros d'amende. Les trois sociétés risquent une amende maximum de 225'000 euros.
Philippe B., souffrant selon son avocat, était absent à l'ouverture de l'audience mais devrait être présent à compter du 15 mars.
Vitesse excessive et freinage trop tardif: les causes principales de l'accident ont été identifiées. Mais la justice devra déterminer les responsabilités de chacun dans l'enchaînement des événements qui ont mené à l'accident, occulté par les 131 morts des attentats du 13-Novembre au Bataclan, au Stade de France et des terrasses parisiennes.
«Oubli collectif»
«Ce procès va déjà permettre de sortir ce drame de l'oubli collectif», a confié à l'AFP l'avocat Gérard Chemla, conseil d'une cinquantaine des 89 parties civiles recensées avant l'ouverture du procès. Mes clients «attendent de l'honnêteté et du courage de la part des protagonistes», a-t-il ajouté.
Le 14 novembre 2015, 53 personnes, salariés du secteur ferroviaire et membres de leurs familles, dont quatre enfants, avaient pris place à bord de la rame pour l'ultime test du tronçon de la nouvelle Ligne à grande vitesse Est européenne (LGVEE) entre Baudrecourt (Moselle) et Vendenheim (Bas-Rhin).
A 15h04, au niveau d'Eckwersheim (Bas-Rhin), à 20 km de Strasbourg, le train a abordé une courbe à 265 km/h, très largement au-dessus des 176 km/h prévus à cet endroit.
Il a déraillé 200 mètres plus loin à une vitesse de 243 km/h, avant de percuter un pont et de basculer dans le canal de la Marne au Rhin.
Onze personnes ont perdu la vie et 42 autres ont été blessées, dont une vingtaine gravement.
Les experts du pôle «accidents collectifs» du tribunal judiciaire de Paris ont considéré que le déraillement de la rame avait été causé par «une vitesse excessive» et un freinage tardif.
La rame accidentée était une rame d'essai, de type TGV classique. Au moment de l'accident, elle circulait en survitesse pour tester l'infrastructure de la voie en vue de son raccordement prochain au réseau ferré.
TGV commercial
Les aménagements consistaient principalement en la désactivation des systèmes habituels de contrôle de la vitesse pour permettre la survitesse, et l'installation d'appareils de mesure afin de suivre les essais.
Pour le reste, il s'agissait d'un TGV identique à tous ceux utilisés sur le réseau commercial composé d'une motrice de tête et une motrice de queue encadrant huit voitures dont une voiture «laboratoire» pour les essais.
C'est dans cette voiture, l'avant-dernière de la rame et qui comptait 18 personnes à son bord, que le nombre de décès a été le plus élevé. Sept personnes y ont perdu la vie.