JusticePeine de prison avec sursis réclamée contre Pierre Maudet
mf, ats
17.2.2021 - 15:28
Le premier procureur Stéphane Grodecki a demandé mercredi au Tribunal de police de Genève de condamner Pierre Maudet à 14 mois de prison avec sursis pour acceptation d'avantages. Il n'a retenu aucune circonstance atténuante en faveur du conseiller d'Etat.
Il a demandé à la juge Sabina Mascotto de reconnaître Pierre Maudet coupable d'avoir pris part avec sa famille et son ancien chef de cabinet Patrick Baud-Lavigne, à un voyage à Abou Dhabi, en 2015, organisé par deux de ses amis promoteurs. Et d'avoir fait financer par eux un sondage destiné à sa campagne électorale.
Dans son réquisitoire, le représentant du Ministère public a longuement disserté sur ces cadeaux qui servent à mettre de l'huile dans les rouages. Pour lui, le voyage à Abu Dhabi, que le conseiller d'Etat genevois a effectué avec sa famille et son ancien chef de cabinet, en 2015, entre incontestablement dans cette catégorie.
La valeur de ce voyage dans le Golfe, qui comprenait notamment des places en loge pour assister au Grand Prix de Formule 1 d'Abu Dhabi, a été estimée à 50'000 francs. Ce montant crève le plafond de ce qui est acceptable, a souligné le procureur. Il a rappelé qu'un agent public pouvait recevoir un cadeau ne dépassant pas 150 francs.
En mettre plein les yeux
Pour Antoine Daher et Magid Khoury, les deux amis entrepreneurs de Pierre Maudet, le but de ce séjour était d'en mettre plein les yeux, a poursuivi le procureur. Il s'agissait d'entretenir une relation. Après ce séjour, M. Grodecki a compté pas moins de 16 sollicitations de la part des deux hommes, notamment auprès de Patrick Baud-Lavigne.
Avec la même idée derrière la tête, soit de mettre de l'huile dans les rouages et d'avoir des facilités d'accès à l'administration, selon le procureur. Les deux hommes d'affaires ont financé un sondage devant servir à la campagne électorale de Pierre Maudet en 2017.
Puis, cette huile dans les rouages a débordé pour servir à contourner les processus administratifs. Le procureur donne l'exemple de l'ouverture de L'Escobar, un bar dans lequel Antoine Daher avait investi. L'autorisation d'exploitation de l'établissement a été délivrée malgré un dossier incomplet.
Un «sous-marinier»
Dans son réquisitoire, le premier procureur a souligné la collaboration exécrable de Pierre Maudet à la procédure. Le conseiller d'Etat a «surtout été un sous-marinier», qui a fait en sorte que la lumière n'apparaisse jamais en faisant le ménage et en poussant les autres prévenus à mentir. Il a menti à tout le monde.
Pour M.Grodecki, le conseiller d'Etat s'est cru au-dessus des lois. «A lui, les règles du code pénal ne s'appliquent pas». Pierre Maudet a agi pour ses propres intérêts et a mis en danger la probité de l'agent public. «Il a voulu aller dans la cour des grands» et sa prise de conscience est nulle.
Stéphane Grodecki a aussi demandé 14 mois de prison avec sursis pour acceptation d'un avantage, violation du secret de fonction et abus d'autorité contre Patrick Baud-Lavigne. Il a requis 8 mois de prison ou 240 jours-amendes avec sursis à l'encontre d'Antoine Daher et 12 mois ou 360 jours-amende avec sursis contre Magid Khoury.
Par ailleurs, Stéphane Grodecki a réclamé que Pierre Maudet verse à l'Etat de Genève 84'000 francs à titre de créance compensatrice. Cette somme représente le coût du voyage à Abu Dhabi et celui du sondage. Pour le procureur, il s'agit de respecter le principe qui veut que le crime ne paie jamais.
Enfin, il a demandé au Tribunal de police d'accorder des circonstances atténuantes à l'ancien chef du service genevois du commerce (SCOM). Ce fonctionnaire a été «avant tout une victime d'un système, de ces noces barbares». Son avocat Alec Reymond a plaidé son acquittement.
David Bitton, l'avocat d'Antoine Daher, a également demandé l'acquittement de son client, car, à ses yeux, il n'a pas été l'organisateur du voyage à Abu Dhabi et n'a rien octroyé. Il a participé au sondage de bonne foi, étant loin d'imaginer qu'une telle démarche citoyenne constituait une infraction pénale.