"faits divers" Pour Marcio, la vie de château (de sable) à Rio de Janeiro

AFP

20.1.2018 - 17:55

Sa couronne de roi sur la tête, Marcio Mizael Matolias s’affaire à réparer son château, malgré les 40 degrés qui assomment les baigneurs sur la plage de Rio de Janeiro en cet après-midi de janvier.

Il retouche ici un donjon, là une porte majestueuse. Il arrose aussi sa forteresse pour qu’elle ne s’effondre pas.

Depuis 22 ans, Marcio vit dans un château de sable.

Dans ce quartier chic de Barra da Tijuca, dans la zone ouest de Rio, les riverains et amis de Marcio l’appellent "le roi". Il en joue pour attirer les curieux et se prête volontiers à des séances photos en s’asseyant avec un sceptre dans le trône qu’il a installé devant son château sur la plage.

Ce Carioca blagueur qui va fêter ses 44 ans assure qu’il ne pourrait pas vivre autrement.

"J’ai grandi dans la baie de Guanabara (près de Rio, ndlr), j’ai toujours vécu à la plage. Les gens paient des loyers exorbitants pour habiter en face de la mer, moi je n'ai pas de factures et ici j’ai la belle vie", dit-il en montrant l'immense plage de sable fin et les deux belles petites îles à l’horizon.

Sa demeure, grandiose vue de l’extérieur, se limite à l’intérieur à un espace d'environ 3 mètres carrés. Marcio, célibataire et sans enfant, y a entassé des dizaines de livres et quelques clubs de golf, ses passions avec la pêche.

Son lit? Un sac de couchage posé par terre. Sa salle de bain? Le poste de pompiers situé à une trentaine de mètres qui dispose de toilettes et douche pour moins d’un euro.

Marcio considère qu’il a tout ce qu’il faut.

Son seul vrai problème, c’est la chaleur étouffante. "Le sable retient toute la chaleur, alors parfois la nuit je n’arrive pas dormir ici, je vais passer la nuit chez un ami, mais je préfère ici même si je dois m’allonger dehors au bord de la mer".

Avant de s’installer sur cette plage, Marcio a habité à différents endroits du littoral carioca. Il a quitté son quartier natal très pauvre de Duque de Caxias (au nord de Rio de Janeiro) pour la zone sud de Rio, où il vivait dans la rue.

- Attraction touristique -

Un jour, un ami lui a appris à construire une pyramide de sable. Il n’a plus jamais arrêté ses sculptures éphémères. "J’ai beaucoup appris dans les livres et mon château mêle les styles, de Niemeyer à Gaudi", explique-t-il à propos de son abri royal, consolidé avec des sacs de sable et des rondins.

La mairie ne lui a jamais posé de problème. "Je suis devenu une attraction touristique en quelque sorte et un service social aussi", plaisante-t-il en évoquant sa bibliothèque de rue.

Marcio a installé un stand de livres à quelques mètres de son château. Il ne demande pas d’argent, mais seulement aux gens de donner des livres et de prendre ceux qu’ils veulent.

Pour gagner quelques sous, il ne compte que sur la "caisse" à l’entrée de sa construction de sable. Mais de la vingtaine de passants qui se sont arrêtés prendre des photos tout au long de l’après-midi, personne n’a laissé la moindre pièce.

Marcio ne semble pas s’en offenser : "On me vole même régulièrement la caisse. Avant ça m’énervait, je voulais dormir avec une pierre à la main pour ne pas laisser faire. Mais je commençais à vivre dans la parano, je ne veux pas ça, je fais ça par plaisir".

De temps en temps, un centre commercial le paie pour faire une de ses magnifiques sculptures de sable dans le hall, lors d’événements spéciaux.

Mais Marcio aimerait parfois que ses oeuvres ne soient pas aussi éphémères. Il peut passer 10 ou 20h de sa journée à ciseler les tours de son fort qui peuvent être détruites à tout moment par la pluie.

Un jour, la marée est même montée jusqu’à l’intérieur de "chez lui". Il voudrait pouvoir sculpter et fabriquer des oeuvres avec d’autres matériaux que le sable, dans un vrai atelier. Optimiste par nature, Marcio espère pouvoir réaliser ce rêve "l’année prochaine, dans le local d’un ami".

En attendant, il continue inlassablement de tailler son fragile palais au couteau ou à la pelle. A l’instar de Gaudi, architecte qui l’a influencé, sa création est en perpétuels travaux.

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AFP