«Question suivante, s'il vous plaît»Pourquoi Kamala Harris évite d’aborder les questions sur son genre et ses origines
AFP
31.8.2024
Si Kamala Harris gagne l'élection présidentielle en novembre, elle deviendrait la première présidente des Etats-Unis et la première femme noire et sud-asiatique à occuper le poste -- mais elle se garde bien de le dire tout haut.
AFP
31.08.2024, 15:52
31.08.2024, 16:02
Marc Schaller
Pendant ses meetings et lors de sa première interview comme candidate, la vice-présidente américaine a esquivé les questions sur son origine ethnique ou son genre.
La démocrate, fille d'un père né en Jamaïque et d'une mère indienne, a aussi évité les piques de son rival Donald Trump, entre attaques sexistes et remises en doute de ses origines.
Elle préfère construire sa candidature autour de l'enthousiasme qui la pousse depuis le retrait dans la course à la Maison Blanche de Joe Biden, et de sujets comme le coût de la vie, plus à mêmes à toucher les électeurs selon elle.
Sa réticence à jouer la carte du genre et de l'origine a été criante lors de son entretien jeudi sur CNN, le premier depuis qu'elle est candidate.
Interrogée sur une photo de sa petite-nièce qui la regarde pendant son discours à la convention démocrate de Chicago, devenue virale car interprétée comme un symbole de l'abolition des barrières raciales aux Etats-Unis, Kamala Harris a simplement répondu: «Je me présente parce que je pense que je suis la meilleure personne pour ce poste aujourd'hui, pour tous les Américains, quel que soit leur race ou leur genre.»
Idem lorsqu'elle a été interrogée sur des remarques de Donald Trump qui l'accusait d'être «devenue noire» pour des raisons électoralistes. «C'est toujours la même vieille rengaine. Question suivante, s'il vous plaît!», a-t-elle rétorqué d'un rire.
«Votre adversaire le fait à votre place»
Une des raisons de cette stratégie est que les attaques du républicain ne font jusqu'à présent qu'attirer l'attention sur la candidature historique de Kamala Harris, plutôt que de lui porter préjudice, analyse Jesse Holland, professeur à l'université George Washington.
«Pourquoi passer du temps précieux à parler de choses alors que votre adversaire le fait à votre place», ajoute-t-il.
Kamala Harris est aussi aidée par le fait qu'elle est déjà connue comme étant la première vice-présidente, et la première personne noire et sud-asiatique à ce poste.
Elle n'a d'ailleurs jamais hésité à parler de ses origines.
A la convention démocrate qui l'a investie en triomphe comme candidate du parti à la présidentielle, elle a rendu un hommage appuyé à sa mère, «une femme brillante, d'un mètre cinquante, qui a appris à ses enfants à ne jamais se plaindre de l'injustice, mais à agir contre».
Sa candidature semble l'emporter auprès de nombreuses femmes et de jeunes afro-américains, mais d'autres électeurs pourraient être rebutés à l'idée de voir une personne noire à la tête du pays.
Les démocrates préfèrent braquer les projecteurs sur l'immigration ou l'économie, plus aptes à jouer un rôle important dans l'élection.
Un angle d'attaque soutenu par l'influente démocrate Nancy Pelosi, ancienne présidente de la Chambre des représentants qui a joué un rôle déterminant dans le retrait de Joe Biden.
Pour elle, une femme présidente serait «la cerise sur le gâteau. Mais ce n'est pas le gâteau en soi.»
«Elle semble réussir à s'éviter les étiquettes»
Le Parti démocrate a aussi été marqué avec ce qui s'est passé en 2016, lors de la défaire d'Hillary Clinton qui avait pour slogan «Je suis pour elle», insistant sur le fait qu'elle pourrait devenir la première femme présidente des Etats-Unis.
«Kamala Harris a raison de ne pas faire de sa race et de son genre un cri de ralliement», a considéré l'éditorialiste Zeeshan Aleem sur MSNBC. Il ajoute que le slogan d'Hillary Clinton était construit «à l'envers: le président doit être avec nous, et non l'inverse».
Cette volonté de ne pas être catégorisée, Kamala Harris l'a elle portée toute sa carrière de procureure et de sénatrice.
Avec les médias, elle se montre ainsi réservée, voire donne des réponses alambiquée, comme pour noyer le poisson. Mais ce même instinct peut s'avérer précieux sur le plan politique et empêcher les républicains de la catégoriser, à moins de dix semaines de l'élection.
«Elle semble réussir à s'éviter les étiquettes, à ne pas se faire coincer», selon Jesse Holland.