Les autorités russes ont porté mercredi un nouveau coup au principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, en classant «agent de l'étranger» son organisation anticorruption. Cette mesure la soumet à une surveillance accrue.
Le Fonds de lutte contre la corruption (FBK), à l'origine d'enquêtes dénonçant les malversations et le train de vie des élites russes, était déjà visé par une enquête pour «blanchiment» d'argent. Ses comptes ont été gelés en août et des perquisitions massives l'ont touché en septembre.
«Un contrôle des activités de cette organisation non gouvernementale a permis de déterminer qu'elle remplit des fonctions d'agent de l'étranger», a annoncé mercredi le ministère de la Justice, dans un communiqué.
«Poutine a peur»
Alexeï Navalny a dénoncé sur Twitter une décision «sur ordre direct du (président Vladimir) Poutine». «Poutine a peur du FBK car il s'appuie sur le pouvoir des voleurs, des corrompus, a-t-il encore déclaré, assurant par ailleurs que son Fonds n'a «pas reçu un kopeck d'argent étranger».
Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a pour sa part affirmé que «le Kremlin ne (prenait) pas ce type de décisions qui dépendent du ministère de la Justice». Le qualificatif d'«agent de l'étranger», introduit par une loi en 2012, sert à désigner une organisation bénéficiant d'un financement d'un autre pays et qui a une «activité politique». Ce concept très imprécis a permis de viser de nombreux groupes critiques du pouvoir.
Les «agents de l'étranger» sont obligés de s'afficher en tant que tel dans toute communication ou activité publiques, sont soumis à d'importantes contraintes administratives et financières et font l'objet d'une surveillance accrue.
Ces termes rappellent aussi une expression de l'époque stalinienne pour donner une justification officielle à la répression d'opposants réels ou supposés. Ils ont aussi été employés dans les années 1970 et 1980 pour qualifier les dissidents, accusés d'être à la solde de l'Occident.
Depuis 2012, des dizaines d'ONG ont été classées «agent de l'étranger», parmi lesquelles beaucoup d'organisations de défense des droits humains, comme la plus importante d'entre elles Mémorial, mais aussi des associations d'écologistes ou de photographes amateurs.
Les autorités russes ont commencé à accroître la pression sur le Fonds de M. Navalny en déclenchant leur enquête pour «blanchiment» au plus fort de la contestation l'été dernier à Moscou, quand les manifestations d'opposition se multipliaient avant les municipales.
Les partisans de l'opposant étaient au premier rang des organisateurs de ces rassemblements dont certains ont été violemment réprimés.
Il s'agissait du plus important mouvement de protestation depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012. Plusieurs manifestants se sont vu infliger de lourdes peines de prison pour «violences» à l'encontre de la police.
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