Il n'est pas sur le banc des prévenus et pourtant on ne parle que de lui. Vendredi, au procès Bygmalion à Paris, plusieurs avocats ont demandé au tribunal de nouvelles investigations afin d'"éclairer le rôle» de l'ancien patron de l'UMP Jean-François Copé.
«On ne fait pas ici son procès, on essaie de comprendre». Luc Brossollet, avocat d'un des cadres de Bygmalion, fait sans doute bien de le préciser: le nom de Jean-François Copé, pourtant blanchi dans cette affaire, est sur toutes les lèvres depuis l'ouverture du procès des dépenses excessives de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012.
L'ancien chef de l'Etat n'est pas présent à l'audience. Contrairement à ses 13 co-prévenus (cadres de Bygmalion et de l'UMP, directeur de campagne ou experts-comptables), il n'est pas mis en cause pour le système de fausses factures qui visait à attribuer une partie des dépenses excessives à l'UMP, devenue Les Républicains (LR), et est uniquement jugé pour financement illégal de campagne.
«Nouveaux éléments»
Les avocats de quatre des prévenus se sont succédé à la barre pour demander un supplément d'information visant M. Copé. La question sera tranchée au moment du jugement, a décidé la présidente en fin d'audience.
C'est la défense de l'ex-directeur de campagne, Guillaume Lambert, qui a lancé les hostilités. Selon elle, des «éléments nouveaux» méritent que l'enquête soit relancée pour «entendre réellement M. Copé, recueillir des réponses et en vérifier la véracité».
Parmi ces éléments, un contrat de prêt entre l'UMP et plusieurs banques datant de l'été 2012 et d'un montant de 55 millions. Le document figurait déjà dans le dossier, mais la version exhumée par la défense de M. Lambert est, elle, signée et paraphée de la main de M. Copé. «Il n'est pas crédible que le secrétaire général ignore pourquoi l'UMP doit emprunter 55 millions d'euros», martèle-t-il.
«Si les enquêteurs avaient connu ces pièces, ils ne se seraient pas satisfaits des réponses de M. Copé, qui disait qu'il était étranger à tous les aspects financiers», enchaîne Luc Brosselet. Lui aussi veut des «éclaircissements».
«Des seconds couteaux»
Après tout, LR, partie civile, réclame aujourd'hui 16 millions aux prévenus, soit le montant des factures de Bygmalion faussement attribuées à l'UMP. «On va nous dire que ce sont quatre salariés, des seconds couteaux, qui se sont dit 'on va aider le président, on va décider à l'insu de tous de dépenser 20 millions d'euros de plus que prévu, et personne ne verra rien' ? C'est une fable, ça ne tient pas», s'emporte Me Brosselet, qui veut savoir «qui a décidé la fraude».
«Il n'y a rien de neuf», a balayé le procureur, exaspéré. Le contrat de prêt est connu de tous «depuis longtemps», a-t-il ajouté, dénonçant une «mise en scène» et des «manipulations».
Entendu comme témoin
Dans cette affaire qui a causé une série de déflagrations à droite, les camps sarkozyste et copéiste se sont toujours rejeté la responsabilité de la fraude. M. Copé maintient qu'il ignorait tout du système de fausses factures, qu'il aurait découvert dans la presse. Il a bénéficié d'un non-lieu dans cette affaire et doit uniquement être entendu comme témoin.
Au terme de l'enquête, l'accusation avait certes trouvé «étonnant qu'il n'ait pas cherché à comprendre» pourquoi son parti se trouvait «au bord du défaut de paiement» à la fin du mois d'avril 2012. Mais elle avait estimé que «rien» ne prouvait que M. Copé avait été informé de la fraude ou qu'il aurait pu la détecter.
Le procès, prévu jusqu'au 22 juin, reprendra mardi. La semaine sera consacrée aux interrogatoires des anciens dirigeants de Bygmalion. M. Copé sera entendu ultérieurement.