ProcèsProcès: Marine Le Pen défend sa «liberté d'expression»
ATS
10.2.2021 - 17:20
Marine Le Pen a défendu mercredi sa «liberté d'expression et d'information» devant le tribunal correctionnel de Nanterre en France. Elle y est jugée pour avoir diffusé des photos d'exactions de l'Etat islamique (EI) sur les réseaux sociaux en 2015.
La présidente du Rassemblement national (ex Front national) et l'eurodéputé RN Gilbert Collard sont jugés pour diffusion de messages violents ou portant gravement atteinte à la dignité humaine, susceptibles d'être vus par un mineur. L'infraction est passible de trois ans de prison et 75'000 euros (environ 80'000 francs) d'amende. Tout l'enjeu du procès repose sur cette «accessibilité aux mineurs», a souligné la présidente de la chambre, Isabelle Pulver.
En cause: des tweets publiés en décembre 2015, quelques semaines à peine après les attentats revendiqués par l'EI à Paris et en Seine-Saint-Denis. Dans une France traumatisée par les attentats, Marine Le Pen avait relayé trois photos d'exactions du groupe djihadiste en y ajoutant les mots: «Daesh, c'est ça!», en réponse au journaliste Jean-Jacques Bourdin qu'elle accusait d'avoir «comparé» l'EI et le Front national lors d'une émission le 16 décembre 2015.
«M. Bourdin a fait une comparaison entre le RN et Daesh en disant qu'il y a une 'communauté d'esprit' entre le RN et Daesh», a déclaré Marine Le Pen à la barre, dénonçant «une banalisation et une minorisation inadmissible des crimes contre l'humanité (...) qui sont le fait de ce gang d'assassins prénommé Daesh».
«Propagande de l'EI»
«J'ai donc rappelé directement sur Twitter M. Bourdin à la raison par deux tweets», a-t-elle raconté, expliquant avoir laissé à son community manager le choix des photos, mais en «assumer totalement la responsabilité». Les photos publiées montraient un soldat syrien écrasé vivant sous les chenilles d'un char, un pilote jordanien brûlé vif dans une cage et le corps décapité du journaliste américain James Foley, la tête posée sur le dos.
Trois photographies «non floutées» et «toutes issues de la propagande de l'Etat islamique», a souligné la présidente de la chambre. De son côté, Gilbert Collard, alors député du Gard, avait relayé le même jour sur ses comptes Facebook et Twitter la photo d'un homme gisant au sol, le crâne défoncé, avec ce commentaire: «Bourdin compare le FN à Daesh: le poids des mots et le choc des bobos!».
Plus précisément, M. Bourdin avait déclaré lors d'une émission avec le spécialiste du monde arabe Gilles Kepel: «Je voudrais revenir sur les liens... euh... entre Daesh et le Front... enfin les liens, pas les liens directs entre Daesh et le Front national, mais ce repli identitaire, qui finalement est une communauté... d'esprit, parce que l'idée pour Daesh c'est de pousser la société française au repli identitaire».
Dignité humaine
«Estimez-vous que ces photos portent atteinte à la dignité humaine?», a demandé la présidente aux deux prévenus. «Non», a répondu Gilbert Collard. «Si un abruti nie la Shoah, je suis parfaitement capable de lui sortir des photos de camps de concentration», a-t-il ajouté.
«C'est le crime qui porte atteinte à la dignité humaine, ce n'est pas sa reproduction photographique», a abondé Marine Le Pen, se défendant à la barre comme dans une arène politique, s'adressant à la présidente mais aussi aux journalistes. «Je ne considère pas que ces photos sont des atteintes à la dignité humaine pour une raison très simple: c'est de l'information», a-t-elle ajouté.
«Aviez-vous conscience qu'un public mineur était susceptible de voir?» les tweets, a alors repris la présidente. «Je n'ai véritablement pas pensé à ça. J'ai pensé à la liberté qui est la mienne d'expression et d'information», a répondu Marine Le Pen. «Et vous n'aviez pas peur que ces photos aient un caractère prosélyte, incitatif ?», a renchéri la présidente. «Pour moi, ces photos sont épouvantablement choquantes et par conséquent elles provoquent le dégoût, le rejet, et pas l'adhésion», s'est-elle encore défendue.
Avant d'entrer dans la salle d'audience, Marine Le Pen a dénoncé auprès de la presse un «procès politique» contre son mouvement. La candidate à la présidentielle de 2022 a aussi assuré qu'elle «republierait» ces images, si c'était à refaire.