Procès Zepeda «On se rend compte que ce soir-là, quelque chose de grave s'est passé» 

ATS

7.12.2023 - 15:18

L'officier de police judiciaire responsable de l'enquête, sur la disparition de l'étudiante japonaise Narumi Kurosaki en 2016 à Besançon, a livré jeudi un récit précis et détaillé, accablant pour Nicolas Zepeda, qui comparaît devant la cour d'assises de Vesoul pour assassinat.

L'enquêteur a expliqué que l'accusé (au 1er plan) avait pris possession des réseaux sociaux de la victime (archives).
L'enquêteur a expliqué que l'accusé (au 1er plan) avait pris possession des réseaux sociaux de la victime (archives).
ATS

Keystone-SDA

«C'est une faiblesse dans un dossier criminel de ne pas avoir de corps», reconnaît devant les jurés David Borne, brigadier chef à la PJ de Besançon. «Mais ça nous a permis de pousser les investigations au plus profond de ce qu'on pouvait faire, pour répondre à tout.»

Pendant deux heures, il raconte dans le détail les investigations menées pendant quatre ans, mobilisant des services d'enquête français, mais aussi espagnols, japonais et chiliens, compilés dans un dossier de 8000 pages.

Il commence en évoquant les premiers soupçons, portés sur Arthur Del Piccolo, le petit ami de Narumi au moment de sa disparition. «C'est vrai que son comportement est particulier. Il intellectualise tout, il fait une enquête avec ses amis», explique David Borne.

Mais les enquêteurs ne collectent aucun élément qui permettrait de le placer en garde à vue. Au contraire, ils orientent rapidement leurs recherches vers un autre suspect, Nicolas Zepeda, le précédent petit ami de l'étudiante japonaise.

Cris d'horreur

En première instance, la déposition de l'enquêteur avait fait basculer le procès, qui avait abouti à la condamnation du Chilien à 28 ans de réclusion criminelle.

Le policier est revenu sur les «cris d'horreur» entendus dans une résidence universitaire dans la nuit du 4 au 5 décembre 2016. «On se rend compte que ce soir-là, il y a vraiment quelque chose de grave qui s'est passé à proximité de la chambre de Narumi», expose l'enquêteur.

Plus tôt dans la soirée, Narumi Kurosaki avait dîné au restaurant avec Nicolas Zepeda. La police judiciaire a fait la lumière, à l'aide de l'exploitation du bornage téléphonique, des paiements par carte bleue, sur le déroulé du séjour du Chilien en France, ses déplacements et ses achats.

La vidéosurveillance a mis en évidence un individu au visage dissimulé qui «s'intéresse à la résidence universitaire» quelques jours plus tôt: «il la prend en photo, essaie d'entrer par la porte de la buanderie.» Les apparitions de l'individu devant les caméras de surveillance correspondent exactement aux heures et jours où Nicolas Zepeda s'est rendu sur le campus.

Réseaux sociaux

L'officier décrit aussi comment l'accusé avait «pris possession» des réseaux sociaux de la victime. «Jaloux», il «n'accepte pas que Narumi puisse s'être fait des amis masculins sur le territoire français», observe-t-il. «Il a une obsession particulière pour Arthur Del Piccolo».

Des messages, envoyés notamment par Facebook depuis le compte de la victime plusieurs jours après sa dernière apparition publique, ont «considérablement retardé le début de l'enquête», souligne le policier. «Si on est saisi plus tôt, (Nicolas Zepeda) ne prend plus l'avion» pour rentrer au Chili.

L'officier précise aussi que Nicolas Zepeda s'était arrêté de nuit le 1er décembre dans une zone forestière «absolument pas touristique», à proximité d'une rivière. Il y retourne le 6, après la disparition, aux petites heures du jour, toujours dans l'obscurité. Pour l'accusation, ces arrêts correspondent à des «repérages», puis à l'abandon du corps.

Narumi Kurosaki «n'est pas partie d'elle-même, et on ne peut pas imaginer qu'elle s'est suicidée», termine-t-il. «La seule solution qu'on ait, c'est qu'elle se soit fait assassiner. Et le seul et unique suspect, c'est Nicolas Zepeda.»