Propos sur la «fournée» Propos sur la «fournée» en 2014: Jean-Marie Le Pen jugé mercredi

ATS

30.8.2021 - 18:39

L'ancien président du Front National (devenu Rassemblement National), Jean-Marie Le Pen, doit être jugé mercredi à Paris pour ses propos sur la «fournée» en juin 2014. Ils avaient provoqué un tollé et suscité des critiques de son propre parti.

Jean-Marie Le Pen doit être jugé mercredi pour ses propos concernant la "fournée" en 2014 (archives).
Jean-Marie Le Pen doit être jugé mercredi pour ses propos concernant la "fournée" en 2014 (archives).
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Keystone-SDA

Plus de sept ans après cette phrase polémique, l'ex-chef du parti d'extrême droite, 93 ans, est renvoyé pour provocation à la haine antisémite et complicité de cette même infraction. Il ne sera pas présent au tribunal, selon son entourage.

Coutumier des poursuites judiciaires, Jean-Marie Le Pen s'en était pris le 6 juin 2014, dans une vidéo de son «journal de bord» diffusée sur le site internet du FN, aux artistes engagés contre ce parti, comme Yannick Noah, Guy Bedos et Madonna.

Alors que son interlocutrice lui avançait le nom du chanteur Patrick Bruel, d'origine juive, il avait commenté dans un rire: «Cela ne m'étonne pas. Ecoutez, on fera une fournée la prochaine fois!» Ces mots avaient déclenché une pluie de condamnations, y compris au sein du parti qu'il a cofondé en 1972 et dont il était président d'honneur.

«Faute politique»

«Ne pas avoir anticipé l'interprétation qui serait faite de cette formulation est une faute politique», avait déclaré sa fille Marine Le Pen, qui lui avait succédé à la présidence du parti en 2011. «C'est stupide politiquement et consternant», avait commenté le vice-président Louis Aliot.

La «faute politique», c'est de s'inscrire dans la «pensée unique», avait répliqué Jean-Marie Le Pen. Il avait soutenu que le terme de «fournée» n'avait «évidemment aucune connotation antisémite, sauf pour des ennemis politiques ou des imbéciles».

L'année suivante, après d'autres propos polémiques sur la Shoah, Jean-Marie Le Pen avait été exclu de la présidence du FN. Il avait ensuite conservé la présidence d'honneur du mouvement, de laquelle il a été déchu au congrès de mars 2018.

Sur le plan judiciaire, deux associations de lutte contre les discriminations avaient porté plainte contre lui ainsi que contre Jean-François Jalkh, vice-président du parti et directeur de publication du site internet. Jean-François Jalkh, jugé lui aussi pour provocation à la haine, ne devrait pas non plus être présent à l'audience mercredi.

Longue procédure

Particulièrement longue, la procédure a notamment été retardée par le processus de retrait des immunités parlementaires des deux hommes, à l'époque députés européens.

«Quand il choisit délibérément et sciemment le mot 'fournée', Jean-Marie Le Pen fait incontestablement référence aux fours crématoires utilisés dans les camps d'extermination nazis», estiment auprès de l'AFP Marc et Julien Bensimhon, avocats du Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA), pour qui ce procès ressurgit «à un moment (où) la parole antisémite s'est profondément libérée».

L'association sera partie civile au procès, aux côtés de SOS Racisme et de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra).

«La poursuite ne tient que parce qu'on a isolé volontairement un morceau de phrase en l'extrayant d'un contexte», oppose l'avocat de Jean-Marie Le Pen, Frédéric Joachim, qui parle d'une «incommensurable malhonnêteté intellectuelle» et va plaider la relaxe.

Multiples condamnations

A l'époque, il avait engagé des poursuites en diffamation contre Paris Match, qui avait qualifié cette sortie d'"antisémite» dans un article, ainsi que contre Thierry Ardisson, qui avait sous-entendu dans une émission que Jean-Marie Le Pen voulait «mettre les Juifs dans les fours». Le magazine, comme l'animateur, ont été depuis relaxés.

Jean-Marie Le Pen a déjà été condamné par le passé à de multiples reprises, notamment pour avoir qualifié les chambres à gaz de «détail» de la Seconde Guerre mondiale ou avoir affirmé que l'Occupation n'aurait pas été «particulièrement inhumaine». En 1993, il s'était aussi vu infliger une amende pour son jeu de mots de 1988, «Durafour crématoire», visant le ministre Michel Durafour.