Prostitution Une maquerelle nigériane condamnée à Lausanne

gsi, ats

26.6.2023 - 12:16

Une Nigérianne a été condamnée lundi à Lausanne pour avoir forcé de jeunes compatriotes à se prostituer. Elle a écopé de quatre ans et demi de prison.

Condamnée pour avoir contraint de jeunes compatriotes à se prostituer, une Nigériane a écopé de quatre ans et demi de prison à Lausanne (photo d'illustration).
Condamnée pour avoir contraint de jeunes compatriotes à se prostituer, une Nigériane a écopé de quatre ans et demi de prison à Lausanne (photo d'illustration).
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Entre 2014 et 2018, la maquerelle a fait venir plusieurs jeunes filles du Nigéria, dont certaines encore mineures, pour se prostituer dans la région lausannoise. Elle a oeuvré avec son compagnon, déjà condamné en 2021 à la même peine, mais aussi avec des membres de sa famille, restés au pays pour «recruter» des filles de milieux défavorisés.

Avant de partir pour la Suisse, via un périlleux voyage à travers le Niger, la Lybie, la mer Méditerranée et l'Italie, les jeunes femmes étaient soumises au «juju». Ce rituel d'ordre magique consiste en un prélèvement de sang, de cheveux, de rognures d'ongles et de poils pubiens. Celles qui subissent cette cérémonie imaginent être sous l'emprise d'une magie noire: elles sont convaincues que du mal pourrait leur être fait, ainsi qu'à leur famille, si elles venaient à désobéir.

L'influence du «juju» est régulièrement évoquée dans le démantèlement de réseaux nigérians de prostitution, et plusieurs affaires de ce type ont déjà été jugées à Lausanne et ailleurs en Europe.

Traite d'êtres humains

Pour l'affaire traitée lundi à Lausanne, l'acte d'accusation mentionne en tout cas cinq victimes, dont trois ont porté plainte. Ces jeunes femmes ont été hébergées dans divers logements de la capitale vaudoise. Elles devaient se prostituer dans la rue, toutes les nuits par tous les temps, puis remettre leurs gains à leur bourreau. Lorsqu'elles refusaient, elles étaient menacées de mort, battues ou privées de nourriture.

La maquerelle a été condamnée par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, dans le cadre d'une procédure simplifiée. En prison depuis plus d'une année, cette femme de 34 ans a reconnu les faits et a déjà commencé à purger sa peine.

Reconnue coupable de traite d'êtres humains, blanchiment d'argent et infraction à la loi fédérale sur les étrangers, elle a aussi été sanctionnée d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 30 francs. S'y ajoutent 50'000 francs de tort moral pour chacune des trois plaignantes, et environ 55'000 francs en tout à titre de dommage économique. Elle sera aussi expulsée du territoire suisse pour une durée de 10 ans.

Le président du Tribunal a relevé que la Cour n'avait «pas de raison de remettre en cause» la peine proposée par le Ministère public et acceptée par les parties plaignantes. «Mais c'est un minimum», a ajouté Pierre Bruttin, jugeant cette affaire «choquante» et «d'une extrême gravité».

De victime à auteure

Ce type d'affaires a déjà été jugé à Lausanne. Interrogé par Keystone-ATS, le procureur Eric Mermoud explique avoir lui-même déjà instruit «6 ou 7 dossiers» semblables. Il note néanmoins que c'est la première fois que le cas se conclut par une procédure simplifiée. Autre nouveauté, la femme a admis les faits, «des aveux rares» dans ce milieu, mais «très importants» pour les victimes, relève-t-il.

Eric Mermoud souligne aussi avoir pris en considération «le parcours traumatique» de cette femme, qui a elle-même été victime de traite d'êtres humains et contrainte de se prostituer par le passé. Citant des rapports internationaux, il mentionne «la spécificité» des réseaux de prostitution du sud du Nigéria, «où d’anciennes victimes deviennent des auteures».

Le représentant du Ministère public indique avoir également tenu compte des aveux pour fixer la peine, tout comme le fait que la femme a trois jeunes enfants. Ceux-ci ont dû être placés en France, leur père purgeant également une peine de prison pour des faits similaires.

Phénomène en baisse

Cette prostitution nigériane semblerait «s'atténuer» à Lausanne, ajoute Eric Mermoud, se référant aux informations de la police. Il note que la capitale vaudoise pourrait avoir perdu en «attractivité» en raison des récents jugements. Il précise toutefois qu'il est difficile de tirer des conclusions et qu'il n'est pas exclu que le phénomène reparte à la hausse à l’avenir.

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