Quand les abdos font recette Qui est Cedrik Lorenzen, l'homme qui fait frémir vos fantasmes à feu doux ?

Clara Francey

1.4.2025

Chaud devant ! Fessées, coups de reins, léchouilles… tant de gestes qui font le succès sur les réseaux sociaux de Cedrik Lorenzen, maître du «food porn» dont les recettes font saliver et fantasmer ses millions d'abonnés. Mais sous ses airs de grand séducteur, l'Australo-Suisse cache un fin stratège. Interview.

Clara Francey

Cedrik Lorenzen, ce nom ne vous dit peut-être rien et pourtant, le Lausannois est une véritable star sur les réseaux sociaux grâce à son corps d'Apollon et ses doigts de fée. Son crédo ? Le «food porn», cet art de sublimer la nourriture jusqu'à la rendre irrésistible, presque sensuelle. S'il ne se considère pas influenceur, l'Australo-Suisse est suivi par six millions d'abonnés sur TikTok. Sur Instagram, ils sont à peine moins.

Mais qui se cache derrière ces tablettes de chocolat ? Rencontre avec un véritable entrepreneur.


Cedrik Lorenzen, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

«Je suis donc helvético-australien. J'ai travaillé principalement en Australie dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration, au service, pendant huit, peut-être dix ans. Et il y a cinq ans, j'ai mis ça de côté pour commencer des études à l'Ecole Hôtelière de Lausanne (EHL), parce que je rêve d'ouvrir des restaurants. Ça n'avait rien à voir avec l'aspect culinaire, il s'agissait plutôt de théorie, de business, de marketing, un peu d'hôtellerie, mais cela m'a permis d'avoir une compréhension globale du monde de l'entrepreneuriat.»

«En parallèle de mes études, je me suis dit : ‹Et si j'essayais d'ouvrir un compte Instagram dédié à la cuisine avec l'idée de pratiquer des plats et ensuite, quand je serai diplômé, je pourrai engager un chef pour faire ces plats pour moi et moi je gérerai l'étage›. Au fil des années, j'ai acquis de plus en plus d'expérience et ma passion pour la cuisine s'est développée. J'ai ouvert des comptes sur d'autres plateformes, dont TikTok, où je suis devenu viral un an avant d'obtenir mon diplôme.»

On dit souvent qu'il ne faut pas jouer avec la nourriture, pourtant c'est le cœur de votre activité…

«C'est intéressant que vous en parliez car on me fait souvent la remarque. Sous mes vidéos, dans les commentaires, il n'est pas rare de voir des gens s'emporter en disant que la nourriture est sacrée et qu'il ne faut pas jouer avec. Ce que j'ai envie de leur répondre, c'est qu'ils vont chercher un peu loin. Ce que je cuisine, je le mange et j'essaie de limiter autant que possible les déchets.»

Comment vous est venue l'idée de sexualiser la cuisine ?

«Je pense que ça s'est fait petit à petit. A la base, ce qui m'a inspiré, ce sont les dates. Proposer une cuisine "sexy" pour impressionner mon date c'est ce que je ferais lors d'un rendez-vous : c'est un peu mon langage amoureux, ma façon d'exprimer mon affection et ma passion pour la cuisine. Au fil du temps, la question de captiver mon audience et de rester pertinent et visible s'est imposée, j'ai donc pu mettre en pratique quelques astuces marketing que j'ai apprises à l'EHL. C'est la combinaison de tout cela qui m'a amené à, comme vous dites, sexualiser la cuisine.»

Vous souvenez-vous de la première vidéo un peu «hot» que vous avez enregistrée ? Etiez-vous à l'aise ?

«Oui car cela s'est fait progressivement. Dès le début, il y avait déjà un côté un peu décalé dans ce que je faisais. À l'époque, j'étais surtout sur Instagram, et je crois que les Reels n'existaient même pas encore. Je postais principalement des stories, mais même là, on me voyait déjà cuisiner torse nu, ou alors sensuellement. Donc ce thème a toujours été là, je pense. J'ai toujours eu cette tendance naturelle à faire les choses un peu différemment, à sortir des sentiers battus, casser les codes.»

Vous vous mettez en scène torse nu, mimez des actes sexuels, quelles sont les limites que vous vous êtes posées ?

«Ma limite, c'est de ne pas tomber dans l'excès. Le coeur de mes vidéos, ce n'est pas de mimer des gestes trop explicites comme doigter des fruits ou me mettre en scène torse nu. Et je pense que quiconque prête suffisamment attention à ce que je fais comprendra que l'accent est toujours mis sur la nourriture, sur la production de recettes incroyables. Les aspects sexy sont plutôt un élément secondaire, c'est ce qui complète l'œuvre et la rend unique. Mais jamais le focus n'est mis là-dessus.»

Comment expliquez-vous votre travail à vos grands-parents, par exemple ?

«Récemment, je suis allé rendre visite à mes parents en Australie et toute la famille était là. On en a discuté de mon travail et je n'ai pas l'impression que ça les préoccupe. Tant que je suis heureux, je crois que c'est l'essentiel pour eux. Et ils voient que je suis très déterminé. Encore une fois, ça rejoint le fait que je ne fais pas seulement du contenu sexy. Il y a une stratégie, une réflexion derrière. Je veux ouvrir un établissement, si possible dans un ou deux ans, et tout ce que je fais va dans cette direction. Et même si je ne le faisais pas pour ça, je pense qu'ils s'en moqueraient aussi.»

Quelle est la recette d'une bonne vidéo ?

«C'est la combinaison de plusieurs choses, je dirais. C'est un mélange entre ce que tu filmes, ce que tu montres, et comment tu l'édites, ça concerne aussi bien le montage, que la musique que tu choisis ou encore la légende.»

Et en parlant de recettes, quelle est votre préférée ?

«C'est assez difficile à dire parce que je suis un grand gourmand, mais je dirais que j'ai une petite préférence pour les choses sucrées, et je pense en particulier au chocolat. J'adore le chocolat, donc c'est une aubaine pour moi d'être en Suisse.»

Vous considérez-vous comme un créateur de contenu ou un cuisinier ?

«Je ne me vois pas comme un influenceur. Je me vois plus comme quelqu'un qui utilise les réseaux sociaux comme tremplin. Les plateformes sont super pour montrer ma créativité, et je le vois comme une manière de tester différentes idées avec l'objectif d'ouvrir, espérons-le, plusieurs enseignes.»

Et est-ce que les gens vous reconnaissent dans la rue ?

«Oui, de plus en plus. Ça dépend où je suis. Dans certains endroits où j'ai voyagé, non, mais en Suisse ça arrive à peu près chaque semaine qu'on me reconnaisse, ce qui est vraiment agréable. Je me sens très chanceux d'être reconnu pour mon travail. C'est très positif, surtout quand les gens viennent me voir pour dire bonjour.»

Sauf erreur, vous rêvez de devenir un grand cuisinier. Ne craignez-vous pas que l'image que vous projetez sur les réseaux sociaux puisse avoir un impact négatif sur votre carrière dans un secteur comme la gastronomie, qui reste très traditionnel et parfois très codifié ?

«Pour être honnête, je m'en fiche complètement. C'est ma passion et j'ai juste envie de profiter de la vie. Et puis, si on veut que les choses restent intéressantes, j'ai le sentiment qu'il faut qu'elles évoluent. Satisfaire tout le monde, c'est impossible, il y aura toujours des gens qui adorent et d'autres qui détestent ce que vous faites. Quand les gens viendront dans mon établissement, j'espère qu'ils trouveront le service et la nourriture excellents. Pour moi, c'est tout ce qui compte.»

Pour une femme, ce serait compliqué de faire la même chose…

«J'en suis totalement conscient et le regrette. Je pense qu'il y a définitivement un double standard, et dans une certaine mesure, j'ai cette chance en tant qu'homme de pouvoir faire ce genre de contenu sans être critiqué comme une femme le serait. Maintenant, il n'y a rien que je puisse faire à proprement parler pour faire avancer la cause. Mais j'en suis conscient et je pense que c'est important d'en parler.»

Il y a pas mal de parodies qui circulent. Comment vous sentez-vous par rapport à cela ?

«Personnellement, ce n'est vraiment pas quelque chose qui m'énerve. Au contraire, je trouve ça génial, ça fait partie du jeu et c'est une sorte de feedback. Les regarder permet parfois de repérer des éléments sur lesquels on peut s'améliorer de notre côté.»

Et donc, quelle est la suite pour vous ?

«Cette année, le gros projet sera la préparation d'un livre de cuisine, que je souhaite sortir en 2026. Et sinon, l'objectif est, un peu près à la même période l'année prochaine, d'ouvrir mon établissement. Autrement, on va essayer de rendre plus efficace encore la monétisation de mes comptes sur les plateformes. Sur mon site Internet, je vends des abonnements pour avoir accès à mes recettes, on va donc aussi en écrire pour satisfaire les clients. Enfin, on aimerait également faire plus de longs formats vidéo.»

Pour finir, quel type de restaurant aimeriez-vous ouvrir ?

«A l'origine, je voulais ouvrir un lieu pour bruncher et je m'imaginais être au service. Mais désormais, je veux être en cuisine, mais pas pour préparer des petits-déjeuners. Cuire des oeufs tous les jours, ce n'est pas ma passion (rires). Mais pourquoi pas ouvrir une boulangerie, un truc à la Cedric Grollet, ou peut-être un restaurant et me concentrer sur du fine dining. Il manque d'endroits de ce type en Suisse, alors que l'Australie est très en avance sur la question. Pour ce qui est du lieu, ça ne sera pas à Lausanne, mais sûrement à Zurich.»