Qui sera le prochain? Les médias hongkongais tremblent

ATS

17.1.2022 - 09:10

Depuis des mois, le journaliste hongkongais Ronson Chan s'était préparé à voir débarquer la police en charge de la sécurité nationale. Mais, quand à la fin décembre elle a frappé à sa porte, il n'a pu s'empêcher de trembler.

Chris Yeung, fondateur et rédacteur en chef de Citizen News, salue devant son bureau à Hong Kong le lundi 3 janvier 2022. Le site d'information en ligne de Hong Kong a déclaré qu'il cessait ses activités en raison de la détérioration de la liberté de la presse, quelques jours après la descente de police et l'arrestation de sept personnes pour sédition dans un autre média pro-démocratie.
Chris Yeung, fondateur et rédacteur en chef de Citizen News, salue devant son bureau à Hong Kong le lundi 3 janvier 2022. Le site d'information en ligne de Hong Kong a déclaré qu'il cessait ses activités en raison de la détérioration de la liberté de la presse, quelques jours après la descente de police et l'arrestation de sept personnes pour sédition dans un autre média pro-démocratie.
KEYSTONE

17.1.2022 - 09:10

La répression chinoise de toute dissidence à Hong Kong a déjà réduit au silence ou conduit derrière les barreaux la plupart des figures du mouvement pro-démocratie. La presse est désormais dans son viseur.

M. Chan, président de l'association des journalistes de Hong Kong et rédacteur du site d'informations pro-démocratie Stand News, se savait une cible de choix. «J'y étais mentalement préparé», raconte-t-il à l'AFP, «mais quand ils ont montré le mandat de perquisition, je tremblais».

Avec son téléphone, il a retransmis en direct ses échanges avec les policiers avant d'être contraint d'arrêter. Ce fut son dernier reportage pour Stand News. Le même jour, les avoirs du site étaient gelés et sept personnes étaient arrêtées pour «publication séditieuse» en vertu de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en 2020.

«La vérité est subversive»

Deux employés ont été inculpés et placés en détention. M. Chan n'a pour l'instant pas été inquiété au-delà de la perquisition chez lui.

«Serons-nous les prochains?», s'interrogent les médias locaux et de plus en plus de médias internationaux, dans une ville autrefois considérée comme un bastion de la liberté de la presse en Asie.

«Les journalistes sont censés dire des vérités au pouvoir», explique à l'AFP Lokman Tsui, un ancien maître de conférences en journalisme à l'université chinoise de Hong Kong désormais installé aux Pays-Bas. «Et en ce moment, la vérité est subversive à Hong Kong».

La Chine continentale figure dans les derniers rangs du classement de la liberté de la presse de l'association Reporters sans frontières (RSF). Les médias locaux sont étroitement contrôlés par Pékin et les journalistes étrangers soumis à de sévères restrictions.

Après la rétrocession de l'ex-colonie britannique à la Chine en 1997, Hong Kong est demeuré un havre de liberté pour les médias. La presse locale était réputée pour son opiniâtreté et n'hésitait pas à dénoncer les agissements de certains hauts responsables, contrairement aux médias chinois.

La menace s'accroît

Mais au fil des ans, une ombre a commencé à planer sur la liberté de la presse à Hong Kong. Quand RSF a publié son premier classement annuel en 2002, Hong Kong était 18e. L'an passé, la ville avait dégringolé à la 80e place. Et depuis juin, la menace ne cesse de croître.

Tout a commencé par la fermeture du quotidien Apple Daily qui a soutenu les manifestations pro-démocratie de 2019. Son propriétaire, Jimmy Lai, déjà en détention, et de hauts cadres du quotidien ont été arrêtés et inculpés pour «collusion avec des forces étrangères».

Stand News a été le suivant et une semaine après, le site d'informations CitizenNews, fondé en 2017 par des reporters chevronnés et financé par ses lecteurs a fermé, craignant pour la sécurité de ses journalistes.

«La liberté de la presse a reculé pendant des années, mais, en 2020, tout s'est accéléré», estime Yuen Chan, une journaliste de Hong Kong désormais enseignante à la City University de Londres.

«Climat de peur»

A plusieurs reprises, la cheffe de l'exécutif de Hong Kong Carrie Lam a rejeté ces accusations, affirmant que les autorités se contentaient d'appliquer la loi. Après la fermeture de Stand News et CitizenNews, elle s'est bornée à répondre que les pays occidentaux avaient des lois en matière de sécurité nationale «bien plus draconiennes» que Hong Kong, sans pour autant citer d'exemple de pays où elles auraient été utilisées contre la presse.

Un ancien rédacteur du site d'informations indépendant InMedia estime qu'il règne un «climat de peur sans précédent dans le secteur». «Il est difficile d'évaluer les risques», reconnaît-il, en requérant l'anonymat.

Jusqu'à présent, les médias internationaux n'ont pas été visés par la loi sur la sécurité nationale, mais désormais le gouvernement ne cache pas son agacement quand la couverture médiatique étrangère lui déplaît. L'AFP, CNN, le Wall Street Journal et Bloomberg font partie des médias étrangers ayant leur siège régional à Hong Kong.

Depuis novembre, les autorités ont adressé treize lettres d'admonestation à des journaux étrangers à la suite d'éditoriaux sur Hong Kong, qu'elles n'ont guère appréciés.

ATS