La France sous le chocAccablant, l'ampleur de la pédocriminalité dans l'Eglise de France dévoilée
ATS
5.10.2021 - 11:24
05.10.2021, 11:24
05.10.2021, 14:59
ATS
Déflagration pour l'Eglise catholique de France et au-delà: la Commission Sauvé, qui a enquêté sur l'ampleur de la pédocriminalité, a publié mardi ses conclusions accablantes. Elle estime à 216'000 le nombre de victimes mineures de clercs et de religieux depuis 1950.
Si l'on ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l'Eglise (enseignants, surveillants, cadres de mouvements de jeunesse...), le nombre grimpe à 330'000, a indiqué Jean-Marc Sauvé en dévoilant les conclusions de la Commission indépendante sur les abus dans l'Eglise (Ciase). «Ces résultats sont bien plus que préoccupants, ils sont accablants et ne peuvent en aucun cas rester sans suite», a déclaré M. Sauvé.
Une autre donnée avait déjà été révélée dimanche par le président de la Ciase: le nombre de prédateurs, évalué entre «2900 à 3200», hommes – prêtres ou religieux – entre 1950 et 2020, une «estimation minimale».
Deux ans de travaux
Résultat de deux ans et demi de travaux de la Ciase, le rapport était remis publiquement mardi matin à Paris, à l'épiscopat français et aux ordres et congrégations religieuses, en présence de représentants d'associations de victimes.
«Vous apportez enfin aux victimes une reconnaissance institutionnelle de toute la responsabilité de l'Eglise, ce dont les évêques et le pape n'ont pas été capables à ce jour», a publiquement lancé en préambule François Devaux, cofondateur d'une association de victimes. «Le système est déviant», a déclaré M. Devaux, en appelant à un concile «Vatican III».
Pour l'Eglise catholique, les conclusions de ce rapport s'apparentent à «une déflagration», avait anticipé auprès de l'AFP un membre de la Ciase, sous couvert d'anonymat. La Ciase a fait de la parole des victimes «la matrice de son travail», selon M. Sauvé.
Appels à témoigner
D'abord avec un appel à témoignages, ouvert dix-sept mois, qui a recueilli 6500 appels ou contacts de victimes ou proches. Puis en procédant à 250 auditions longues ou entretiens de recherche. Elle a aussi effectué une plongée dans de nombreuses archives, de l'Eglise, des ministères de la Justice ou de l'Intérieur, de la presse...
Une fois le diagnostic posé, la Commission a énuméré plusieurs dizaines de propositions dans plusieurs domaines: écoute des victimes, prévention, formation des prêtres et des religieux, droit canonique, transformation de la gouvernance de l'Eglise...
Réparations
Elle a aussi préconisé une politique de reconnaissance, puis une réparation financière propre à chaque victime. Les faits sont presque toujours prescrits, les auteurs décédés, rendant un recours à la justice improbable. Les procédures canoniques (le droit de l'Église) sont longues et peu transparentes.
Quelles suites l'Eglise donnera-t-elle au rapport? L'épiscopat a pris des mesures au printemps, promettant non pas des réparations mais un dispositif de «contributions» financières, versées aux victimes à partir de 2022, qui ne fait pas l'unanimité chez ces dernières ni chez les fidèles, lesquels sont appelés à contribuer aux dons.
La Conférence des religieux et religieuses en France (Corref) s'est, pour sa part engagée en interne dans une démarche de justice «réparatrice». Les premières réponses de la Conférence des évêques de France et de la Corref seront annoncées en novembre, date à laquelle les deux institutions se réuniront en assemblées plénières.
Pétition lancée
Un collectif d'associations de victimes avait déjà lancé, samedi, une pétition – «Abus sexuels: l'Eglise catholique doit prendre ses responsabilités» – en français et anglais: il s'agit de créer une «mobilisation qui franchisse les frontières», selon François Devaux.
Ce rapport sera aussi examiné à la loupe à Rome par le pape François, qui a rencontré une partie des évêques français en septembre et a été confronté à ce dossier dès le début de son pontificat.
Créée à l'automne 2018, la Ciase est composée de 22 membres, bénévoles, aux compétences pluridisciplinaires. Elle a été financée par l'épiscopat et les instituts et congrégations religieux à hauteur de 3 millions d'euros.