Vingt-cinq ans après le naufrage de l'Estonia au large de la Finlande, la justice française a entamé vendredi l'examen des demandes de réparation déposées par des victimes. Elles visent le Bureau Veritas, le certificateur français du ferry, et son constructeur.
En moins d'une demi-heure, dans la nuit du 27 au 28 septembre 1994, le ferry de 155 m de long, qui effectuait la liaison Tallinn-Stockholm avec 989 personnes à son bord, avait sombré en mer Baltique, faisant 852 morts ou disparus de 17 nationalités différentes, essentiellement des Suédois et des Estoniens. Un seul Français, membre d'équipage, en faisait partie.
Une commission d'enquête internationale avait conclu en 1997 à une déficience du système de verrouillage de la porte escamotable de proue, ayant permis à l'eau de s'engouffrer extrêmement rapidement sur le pont réservé aux voitures.
Mais en l'absence d'un renflouement du navire, échoué par 85 m de fond, et d'une expertise judiciaire indépendante – refusée par Bureau Veritas – qui aurait permis de déterminer avec certitude les causes du naufrage, les thèses complotistes avaient fleuri, certains parlant notamment d'une explosion à l'intérieur du navire, du matériel militaire ayant déjà transité dans ses cales.
Préjudice moral
Les autorités scandinaves, opposées à un renflouement du navire, ont sanctuarisé la zone. Toute exploration de l'épave a été interdite.
Si les rescapés et ayants droit des disparus ont été rapidement indemnisés à hauteur de 130 millions d'euros pour leur préjudice matériel par l'armateur estonien EstLine, via un fonds d'indemnisation, ils n'ont pu demander réparation pour leur préjudice moral, la législation suédoise ne reconnaissant alors pas ce préjudice en tant que tel.
Les indemnisations réclamées pour «le traumatisme reconnu de la douleur causée par la conscience d'une mort imminente» s'élèvent à la somme globale de 40,8 millions d'euros, a précisé Maxime Cordier, un des avocats des 1116 demandeurs.
Premier recours judiciaire
Prévu sur deux jours, le procès civil qui s'est ouvert à Nanterre, dans la banlieue parisienne où Bureau Veritas a son siège, sera donc le premier recours judiciaire jamais mené à son terme dans cette affaire.
La procédure fut longue à prospérer, déplore Me Cordier. Après une première assignation lancée en 1996 à Nanterre et plus de vingt ans de procédures allées par deux fois jusqu'en cassation, le tribunal de grande instance va enfin pouvoir identifier «qui est responsable de négligence dans la conception et dans l'exploitation du navire», se félicite-t-il.
Le tribunal devrait rendre sa décision en juillet.
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