MusiqueSerge Gainsbourg, des initiales SG qui s'exportent
ATS
2.3.2021 - 16:48
Au-delà de la French Touch et des Daft Punk, l'Amérique et l'Angleterre ont branché leurs écouteurs sur la France avec Serge Gainsbourg, disparu il y a 30 ans, et qui irrigue toujours les jeunes artistes.
C'est une scène du film «Haute Fidélité», transposition du livre de Nick Hornby ("High Fidelity") tournée par Stephen Frears. Le héros, un disquaire de Chicago interprété par John Cusack, intercepte deux jeunes qui viennent de dérober des vinyles. Dans leur butin, un disque de Serge Gainsbourg: les sympathiques gredins cherchent des samples pour leur groupe naissant...
Sampler Serge Gainsbourg (décédé le 2 mars 1991) --sans avoir à courir dans la rue avec des 33 tours sous les t-shirts-- c'est ce qu'ont fait des groupes phares, De La Soul dans le hip-hop, Massive Attack dans le trip-hop.
«Il aurait été tellement fier ! Il y a toute cette admiration aujourd'hui que mon père n'a pas connue de son vivant. Le succès est arrivé tellement tard, il n'était pas du tout blasé, il aurait été très touché», commente pour l'AFP Charlotte Gainsbourg.
«Aux USA, au Royaume-Uni, ou ailleurs hors de France, Serge Gainsbourg est rangé sur la même étagère que Françoise Hardy, en tant qu'arbitre des élégances», éclaire pour l'AFP Bertrand Dicale, auteur de «Tout Gainsbourg» (éditions Gründ).
«Une part de mystère»
«Et être samplé par De La Soul, excusez du peu, ça vous pose quelqu'un», poursuit ce spécialiste de la chanson française. Le sample en question vient de «Ah ! Melody», titre du disque séminal «Histoire de Melody Nelson».
«Il est souvent réduit à l'étranger à +Je t'aime... moi non plus+, mais pour les connaisseurs de musique, c'est +Melody Nelson+, comme pour Beck», musicien et chanteur américain à la synthèse de nombreux styles, prolonge Charlotte Gainsbourg.
«Il y a une ambition, une profondeur du concept incroyablement difficile à réaliser, mais que Gainsbourg réussit totalement», dissèque d'ailleurs Beck dans le catalogue du label américain Light in the Attic, qui a réédité des disques de «L'homme à la tête de chou».
«Quand vous êtes jeunes et que vous montez un groupe pop, vous pensez que ça se joue autour de guitare-basse-batterie. Et puis arrive +Melody Nelson+, avec ce son sixties: on est plongés dans un film. Et vous comprenez que la pop-music peut passer par d'autres instruments, gagner une part de mystère», expose à l'AFP Jinte Deprez, une des têtes pensantes du groupe belge Balthazar.
«En écoutant ce disque, on a commencé à arranger notre musique différemment, développe-t-il. On avait toujours été influencé par Air, mais on ne savait pas d'où ce son venait, là on a compris que ce qui courrait sous nos peaux c'était cette signature de Gainsbourg».
«Respect et reconnaissance»
Vincent Neff, du groupe britannique Django Django dit aussi à l'AFP adorer «ce son de basse, cette ambiance sixties dans +Melody Nelson+ (1971)».
Gainsbourg est aussi dans les radars de l'Anglaise Arlo Parks, nouvelle voix de la soul. «Au travers de ses disques, il y a une grande honnêteté, une façon de montrer respect et reconnaissance au langage et à la musique», confie à l'AFP cette auteure-compositrice-interprète aux racines française, nigériane et tchadienne.
L'attitude du bonhomme plaît également. «Quand vous écrivez des morceaux pop, vous regardez forcément à un moment ce type iconique, qui dit +fuck you+ à tout (rires). C'est un véritable artisan, il a un vrai savoir-faire, mais j'aime bien aussi ses expressions +je m'en foutiste+», souligne Jinte Deprez, néerlandophone qui parle à l'AFP en anglais mais utilise le français pour cette dernière formule.
Buzzy Lee -- alias de Sasha Spielberg, fille du célèbre réalisateur, qui vient de sortir son premier album solo -- cite auprès de l'AFP «Serge Gainsbourg et Françoise Hardy» parmi ses références. Mais aussi «Charlotte Gainsbourg». Un autre pan de l'héritage.
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