Littérature Sylvain Tesson redonne vie à l'Odyssée

ATS

11.4.2020 - 15:59

Selon Sylvain Tesson, «Homère s'est inspiré des éléments naturels comme matière poétique, et ils sont toujours là: le vent, la lumière et la mer, et cette rencontre miraculeuse, qui s'appelle les îles grecques».
Selon Sylvain Tesson, «Homère s'est inspiré des éléments naturels comme matière poétique, et ils sont toujours là: le vent, la lumière et la mer, et cette rencontre miraculeuse, qui s'appelle les îles grecques».
Source: KEYSTONE/EPA GREEK MINISTRY OF CULTURE/ HANDOUT

Un voyage dans le temps, au coeur des paysages qui ont inspiré l'Odyssée, et à hauteur d'homme: Arte va diffuser «Dans le sillage d'Ulysse avec Sylvain Tesson», carnet de navigation poético-archéologique de l'écrivain voyageur, lancé à travers la Méditerranée.

«C'est un voyage dans la longue mémoire», résume M. Tesson. Dans la foulée de sa série d'émissions «Un été avec Homère», diffusée en 2017 sur France Inter et déclinée dans un livre à succès, l'écrivain voyageur est parti avec son complice réalisateur Christophe Raylat, pour retracer en voilier l'itinéraire d'Ulysse, tel qu'a tenté de le reconstituer au XXe siècle l'helléniste français, Victor Bérard.

Du site présumé de Troie (Hissarlik, en Turquie), jusqu'aux ruines dites du «château d'Ulysse» à Ithaque. Un voyage proposé en cinq épisodes, qui seront diffusés de lundi à vendredi à 17h45 sur Arte, et déjà visibles en ligne.

Invitation à s'évader

«La géographie homérique n'a pas changé», souligne Sylvain Tesson. «Homère s'est inspiré des éléments naturels comme matière poétique, et ils sont toujours là: le vent, la lumière et la mer, et cette rencontre miraculeuse, qui s'appelle les îles grecques», raconte-t-il dans un entretien à l'AFP.

Parfait remède à l'ennui en ces temps de confinement, ces émissions sont une invitation à s'évader par l'esprit, en plongeant dans une histoire pleine d'une beauté sombre, de batailles, d'amour, et de tentations... «Game of Thrones» n'a rien inventé !

Dans l'Iliade et l'Odyssée, «il y a la guerre et l'amour, Troie et Ithaque, Hélène et Pénélope. C'est tout le génie d'Homère, il couvre avec deux poèmes, la totalité du spectre de l'agitation humaine entre l'aventure d'un côté et le foyer de l'autre, la guerre et la douceur, le soldat et la femme, la nature et la culture», résume-t-il.

L'homme, héroïque et lamentable

Pour lui, «Homère a tracé un portrait de l'homme qui, jusqu'à preuve du contraire, ne s'est pas modifié, dans tout ce qu'il y a de plus héroïque et de plus lamentable». Et «c'est pour cela que la lecture de ses poèmes nous semble tellement actuelle, et que faire un voyage en essayant de retrouver les images qui l'ont frappé est moins difficile qu'il n'y paraît».

«Dans le sillage d'Ulysse», Sylvain Tesson fait parler des spécialistes qui éclairent la signification de l'Odyssée. Il s'agit sans doute du «pire traité de navigation de l'histoire de l'humanité», car «dès qu'Ulysse monte sur un bateau, il s'échoue», plaisante-t-il.

Mais ce poème est d'abord «un manuel de civilisation pour les populations de la mer Egée, dans lequel Homère dresse les contours de leur identité, à travers leurs Dieux, leurs usages, leurs moeurs et coutumes», pour tenter de les ressouder au sortir d'une longue période de crise.

L'écrivain-voyageur dit «se ficher un peu» des «arguties des universités autour de l'origine de l'Odyssée». «Ce que j'aime, c'est la musique du poème, c'est sa beauté. Il ne faut pas en faire uniquement un outil d'étude anthopologique, il faut aussi parfois l'écouter comme une simple symphonie», invite l'auteur.

Préoccupations actuelles

Outre sa beauté envoûtante, ce poème qui fascine l'humanité depuis des milliers d'années regorge d'analogies avec nos préoccupations contemporaines, du chant des sirènes qui rappelle notre attraction dérangeante pour les GAFA, à la chute de la civilisation de Mycène, au tout début du périple, qui sonne comme une mise en garde dans nos sociétés mises K.O. debout par le coronavirus.

«Ce qui est merveilleux dans l'Odyssée, c'est que tout ce que campe et tout ce que propose Homère trouve une résonance dans ce que nous vivons aujourd'hui, que ce soit l'effondrement, que ce soit la guerre...«, note Sylvain Tesson.

Or si Mycène s'est réellement effondrée, «sommes-nous en train de nous écrouler? Ou sommes-nous en train de marquer une pause, de nous racheter, de nous transformer? Ou sommes-nous seulement en train de souffler deux mois avant de recommencer ?«, s'interroge-t-il.

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