Magazines féminins usTraditionalisme, transphobie, racisme... l'idéologie de droite sur papier glacé
Lea Oetiker
11.10.2025
Les portails américains «Evie» et «The Conservateur» se présentent comme des magazines de mode et de style. Mais derrière leur façade glamour, ils propagent une image traditionnelle de la femme et des idéologies de droite.
Hannah Neeleman, également connue sous le nom de «reine des tradwives».
Screenshot Instagram
Lea Oetiker
11.10.2025, 23:43
12.10.2025, 09:55
Lea Oetiker
Deux magazines américains sur papier glacé font actuellement parler d'eux. La raison: «Evie» et «The Conservateur» s'engagent pour des modèles de rôles traditionnels et rejettent les points de vue progressistes.
Le magazine en ligne «Evie» se qualifie lui-même de «Cosmopolitan pour femmes de droite». Il a été fondé en 2019 par Brittany Hugoboom et baptisé en référence à l'Eve biblique, comme l'explique Hugoboom au «Spiegel».
Au premier abord, le site semble léger et romantique, avec des sujets sur la beauté, la mode et les relations. Mais derrière cette surface brillante se cache une vision conservatrice du monde.
Le point central est un retour à la «féminité» plutôt qu'au féminisme. Des articles vantent l'abstinence sexuelle avant le mariage et l'associent à des idéaux religieux et familiaux. Les conseils sexuels s'adressent exclusivement aux épouses, par exemple avec des conseils sur la manière de «faire délirer son mari».
Parallèlement, «Evie» promeut la cuisine, les tâches ménagères et l'éducation des enfants comme autant de voies vers l'épanouissement féminin. Des thèmes tels que la fécondité ou le «rôle naturel de la femme» sont ainsi abordés de manière récurrente. Les contenus relatifs au style de vie ont également des traits idéologiques: la mode doit être patriotique, le «French-girl style» est considéré comme dépassé, la tendance est à l'«Americana».
Sur le site, on peut également lire régulièrement des articles transphobes. Alors que «Teen Vogue» 2025 faisait le portrait de la transsexuelle Vivian Wilson, fille d'Elon Musk, «Evie» a publié de son côté un article mettant en scène Wilson, utilisant son ancien nom et présentant sa transition comme étant le résultat d'une «école d'extrême gauche».
Des affirmations non fondées sont également diffusées. Par exemple, que le vaccin Covid perturberait le cycle menstruel de près de la moitié des femmes. A cela s'ajoute une dose de racisme avec des titres tels que «White Lives Matter: quand cesserons-nous de sacrifier les jeunes filles blanches sur l'autel de l'inclusion» ?
Prétendue «crise de la fertilité»
Sur la couverture actuelle, le magazine présente Hannah Neeleman, connue dans le milieu comme la «reine des tradwives». Cette femme de 34 ans a été formée comme ballerine à la célèbre Juilliard School, mais vit aujourd'hui avec son mari et ses huit enfants dans un ranch de l'Utah.
Elle s'y montre à ses plus de dix millions de followers comme le modèle idéal d'une vie de famille rurale, en trayant, en cuisinant ou en tenant la main de son mari. Sous le titre de couverture «The New American Dream», «Evie» célèbre ainsi un idéal féminin conservateur: la paysanne plutôt que la femme de carrière.
Avec son mari, Hugoboom a également développé l'application «28», qui suit le cycle menstruel et calcule les jours fertiles. Le projet est financé par le milliardaire de la technologie Peter Thiel, qui se fait régulièrement remarquer par ses positions conservatrices.
Thiel considère la baisse du taux de natalité comme une menace pour la prospérité des États-Unis. Il n'est pas le seul à être de cet avis. Il partage ce point de vue avec de nombreux économistes et études de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et d'autres cercles de sciences économiques.
Selon le «New York Times», Thiel a également parlé avec les développeurs d'une prétendue «crise de la fertilité». Les critiques craignent que des données potentiellement sensibles puissent être collectées via l'application, mais les créateurs rejettent catégoriquement cette idée.
«Vogue pour les fans de Trump»
Et puis il y a le magazine «Le Conservateur». Visuellement, il rappelle le «Vogue», mais il s'agit plutôt du «Vogue pour les fans de Trump». Le «Deutschlandfunk» le décrit dans son podcast comme étant également un magazine pour le «girl bossing de droite».
L'idée du site web est née à l'été 2020. À cette époque, Jayme Chandler Franklin et Isabelle Redfield venaient de terminer leurs études, Franklin à l'université de Berkeley, Redfield à la Southern Methodist University. Ensemble, elles vivaient à Washington, D.C., où Franklin effectuait un stage au Sénat et Redfield à la Maison Blanche.
Dans une interview accordée à «Fox News» en juin, Franklin a déclaré qu'elle aimait lire des magazines comme «Elle», «Vogue» et «Cosmopolitan» pendant ses études. Mais selon elle, ces publications ont radicalement dérivé vers la gauche après la victoire électorale de Donald Trump en 2016.
Franklin a expliqué qu'elle avait été dérangée par ce qu'elle considérait comme des contenus hostiles aux hommes, une attitude anti-américaine prononcée et la thématisation fréquente de relations sexuelles sans engagement.
Elle a également été irritée par ce qu'elle considère comme une orientation antichrétienne, d'autant plus qu'elle est une fervente catholique. Elle a particulièrement insisté sur le fait qu'elle trouvait effrayant le discours qu'elle jugeait négatif contre la «culture blanche». Comme elle ne voyait plus de plateforme appropriée pour elle dans les magazines de style de vie classiques, elle a fondé, selon ses propres dires, «The Conservateur».
Le message entre les lignes
A première vue, le contenu semble apolitique: les rubriques portent des titres comme «Lifestyle» ou «Fashion». Mais entre les lignes se cache un message clair. Les articles sont patriotiques, fidèles à la Bible et anti-trans.
Ainsi, on peut lire entre autres dans un article: «Selon les critères bibliques, les femmes sont les compagnes naturelles des hommes». Et plus loin: «Les femmes ne sont pas des hommes et les hommes ne sont pas des femmes».
Mais ils ne se contentent pas de donner des conseils de mode, ils vendent aussi des accessoires et produits dérivés. Par exemple, des bottes de cow-boy rouges pour 300 dollars US, différents pulls avec l'inscription «Conservateur» ou des casquettes avec l'inscription «Make America Hot Again» pour 45 dollars US.