«On est en flip total» Un couple romand vit l'enfer aux Maldives 

Valérie Passello

26.5.2021

Axelle et Jordan pensaient profiter d'une semaine de rêve au coeur de l'océan Indien. Mais ils sont restés coincés une dizaine de jours dans la capitale des Maldives, séparés, dans l'incertitude totale quant à la date de leur retour en Suisse. Récit d'une aventure qui, par chance, a trouvé un dénouement mercredi soir.

Valérie Passello

«On est à l'aéroport, on a pu partir, on rentre à la maison.» La bonne nouvelle est tombée le 26 mai au soir. Axelle a laissé un message vocal à notre rédaction avant de monter dans le premier avion qu'elle et son compagnon Jordan ont trouvé pour rejoindre l'Europe. 

La veille, le 25 mai, l'incertitude complète régnait encore. Isolée dans une chambre d'hôtel aux Maldives, la jeune femme nous racontait son histoire au téléphone. La voix tantôt dépitée, tantôt révoltée, épuisée de dix jours de cauchemar au paradis. «On est en flip total. On est enfermés contre notre gré, sans être malades, on ne peut rien faire et on mange mal. À force, on ne fait plus confiance à personne. Et malgré notre insistance, les choses bougent tellement lentement», désespérait-elle.

Cette habitante du Nord-Vaudois et son compagnon étaient pourtant partis pour profiter d'un séjour magique sous les tropiques, profitant d'une offre dans un resort cinq étoiles, très bien noté sur tous les sites touristiques.

En cette période de pandémie, le couple a pris soin de se renseigner sur la destination et embarque en avion le 9 mai, chacun étant muni du test PCR négatif requis. Ils arrivent le 10 mai dans la capitale Malé, avant de rejoindre l'île où se trouve leur hôtel. 

«Nous devions rester cinq jours, poursuit Axelle. Malheureusement, il a fait très mauvais, une grosse tempête a éclaté. Alors nous sommes presque tout le temps restés à l'hôtel, ne sortant que pour manger.»

Des tests PCR peu orthodoxes

Mais le vrai cauchemar commence dès ce qui devait être la fin du séjour. «L'hôtel nous a proposé de faire des tests PCR le vendredi pour notre départ le samedi. Par la suite, nous avons reçu un sms nous disant que ces derniers n'avaient pas pu être envoyés au laboratoire, mais que nous ne devions pas être inquiets, car il était possible d'en faire en vingt minutes à l'aéroport. Nous trouvions cela bizarre, mais nous avons fait confiance à l'hôtel, d'autant que nous avions du temps avant notre vol», relate la Suissesse. 

Le jour du départ, nouveau message de l'hôtel: les tests ont pu être transmis, les résultats arriveront à l'aéroport. Tout est réglé. Les Vaudois, ainsi que deux autres couples -des Espagnols et des Américains- ayant séjourné dans le même hôtel, sont donc placés dans une salle de l'aéroport en attendant leur sésame pour rentrer chez eux.

Après quatre heures d'attente, le couperet tombe: «Vous êtes tous positifs au Covid-19», leur annonce-t-on, avant de les «parquer» dans une zone de quarantaine au beau milieu de l'aéroport. Après une nouvelle longue attente, les malheureux reçoivent des documents sur lesquels leurs résultats sont détaillés: les tests PCR des femmes sont négatifs, ceux des hommes sont tous positifs. Axelle poursuit: «Ces documents étaient visiblement falsifiés. Notamment sur celui de mon compagnon, les polices de caractère étaient différentes, on voyait que quelque chose ne jouait pas.»

Pratique courante?

Selon la jeune Suissesse, plusieurs employés des hôtels ne s'en cachent pas: la pandémie serait une aubaine pour faire rester les touristes plus longtemps  dans le pays, la quarantaine étant fixée à quinze jours. «Un manager d'hôtel nous a expliqué ouvertement que les faux tests positifs étaient quelque chose de commun ici», rapporte-t-elle. 

Parmi les commentaires du site Tripadvisor, l'un interpelle par ses similitudes avec le témoignage d'Axelle: «On y est allés pour six jours de vacances, on s'est retrouvé un mois en prison», dit notamment une voyageuse ayant fréquenté le même hôtel en septembre 2020.

Questionné sur ce point par notre rédaction, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) «n’est pas en mesure de prendre position et n’a pas connaissances de telles pratiques». Le département ajoute qu'il informe sur son site web des restrictions possibles liées à la pandémie de COVID-19 et attire l’attention sur le fait que les consignes édictées par les autorités locales sont également contraignantes pour les ressortissants étrangers.

Démarches sans succès

Ce n'est plus dans un magnifique resort au milieu des eaux turquoises que les Vaudois vont alors descendre, mais dans un hôtel «à la limite de la salubrité» à Malé. Et leur porte-monnaie en souffre: «Dès notre arrivée, on nous a demandé de débourser 2'600 francs pour le séjour», raconte Axelle. «Froids» et «dégoûtants», les repas sont loin du menu gastronomique.

Bon gré mal gré, le couple accepte son sort en espérant que ce ne sera que temporaire, ajoute la jeune femme: «Nous avons contacté le TCS, le DFAE, ainsi que l'Ambassade de Suisse qui se trouve à Colombo, au Sri Lanka. Nous ne demandions pas un rapatriement, simplement de nouveaux tests.» Mais les démarches entreprises s'avèrent sans succès.

Le DFAE confirme: «L’ Ambassade a prié les autorités des Maldives d’autoriser un nouveau test PCR. Cette demande a été initialement refusée mais sur insistance de l’Ambassade, les autorités des Maldives ont procédé à une nouvelle analyse des échantillons pris lors du 1er test. Le résultat a été le même».

«Nous étions sûrs que nous allions mourir»

Comme pour en rajouter à la mésaventure d'Axelle et Jordan, un événement aussi obscur que traumatisant se produit dans leur hôtel: un soir, ils entendent une déflagration, puis des hurlements, voyant un individu se mettre à tout casser sur leur terrasse. «Nous avons tout de suite pensé à l'attentat qui avait eu lieu à Malé au début du mois et nous nous sommes cachés. Nous essayions d'appeler nos familles, car nous étions sûrs que nous allions mourir», se souvient Axelle.



Interrogé par la police à l'issue de cet événement, le couple est sidéré: «Il y avait du sang partout sur la terrasse. On nous a dit que c'était simplement quelqu'un qui avait trop bu et qui était tombé. Mais personne n'a évoqué l'explosion. Pourtant, nous n'avons pas rêvé!»

Les deux Romands alertent aussitôt le DFAE et l'Ambassade de Suisse, mais là non plus, ils n'obtiennent pas la réponse espérée. Le DFAE ne ne peut-il donc pas agir de quelconque manière lorsque des citoyens helvétiques sont confrontés à ce type d'événement? Réponse du département: «Après avoir été informée de cet incident, l’Ambassade a pris contact avec les autorités locales, afin d’obtenir des informations et de les aviser que des touristes suisses avaient été témoins de la scène. Dans de tels cas, la mise à disposition d’un soutien psychologique est du ressort des autorités locales.»

Axelle témoigne: «Le DFAE nous a dit 'On ne peut quand même pas vous envoyer un hélicoptère pour venir vous chercher'.» Cette réponse a-t-elle bel et bien été donnée à la jeune femme? «Les conseils aux voyageurs établis par le DFAE attirent l’attention sur le fait que le DFAE n’organisera plus de nouvelles opérations de rapatriement. Le DFAE offre, dans la limite de ses moyens, un soutien et une protection consulaire aux citoyens suisses qui n’ont pas pu rentrer et qui se trouvent dans une situation difficile», répond le porte-parole du département.

Séparation et lueur d'espoir

Après cet épisode, Axelle et Jordan réussissent tout de même à obtenir un changement d'hôtel. Mais comme lui est censé souffrir du Covid et pas elle, ils sont placés dans des hébergements «officiels», leur dit-on, différents: l'un pour les cas positifs, l'autre destiné aux cas-contact. 

Depuis, ils se sont battus, encore et encore, pour obtenir de nouveaux tests PCR. Une couverture médiatique sur une chaîne de télévision espagnole, narrant la situation de leurs compagnons d'infortune, a peut-être accéléré un peu les choses. Le 25 mai, Axelle recevait un nouveau résultat négatif. Testé lui aussi, son compagnon Jordan a reçu aujourd'hui un résultat également négatif. 

«Nous ne pouvons toujours pas partir sans le document du gouvernement qui nous y autorise», déplorait la Suissesse ce mercredi matin, ajoutant: «J'ai également reçu un document officiel du gouvernement qui m'indique que ma quarantaine a commencé le 22 et non le 15, car ils n'ont pas pris en compte le précédent hôtel.»

Heureux dénouement

Finalement, la situation s'est donc décantée et le couple, aux dernières nouvelles, était sur le chemin du retour.

La jeune femme a voulu témoigner afin de prévenir ses compatriotes de la situation: «Surtout, qu'ils ne viennent pas!»