Faits divers Un «espion» venu du froid? Un béluga nourrit les fantasmes dans l'Arctique

AFP

3.5.2019 - 17:46

Un béluga repéré près des côtes norvégiennes, le 26 avril 2019 (photo transmise par la Direction norvégienne des pêches)
Un béluga repéré près des côtes norvégiennes, le 26 avril 2019 (photo transmise par la Direction norvégienne des pêches)
Source: NTB Scanpix/AFP/Archives

«Espion» de la Marine russe ou bête de foire échappée d'un aquarium? Un béluga, petite baleine blanche des mers froides, suscite maints fantasmes depuis son apparition dans l'extrême nord de la Norvège.

Le mammifère, entravé par un harnais susceptible d'accueillir une caméra, a été détecté fin avril par des pêcheurs norvégiens cabotant au large de Hammerfest, une des villes les plus septentrionales du monde aux portes de l'Arctique.

La scène, filmée par des agents de la Direction norvégienne des pêches qui menaient une inspection dans la zone, donne clairement le sentiment que l'animal, peu farouche, est habitué à la compagnie des hommes.

Il semble d'ailleurs s'être depuis sédentarisé dans la région, comme indifférent à sa liberté.

Le béluga «tournait autour de notre bateau ce matin. C'est incroyable. Il a suivi un voilier jusqu'à Hammerfest», indiquait jeudi à l'AFP Jørgen Ree Wiig, inspecteur de la Direction des pêches.

Un comportement que des naturalistes attribuent à un probable dressage en captivité.

Au profit, avancent certains, de la Marine russe, dont la puissante Flotte du Nord est basée dans la péninsule «voisine» de Kola, à quelques centaines de kilomètres à vol d'oiseau de là.

En cause, mais pas seulement, une inscription sur le fermoir du harnais indiquant --en anglais et alphabet latin-- «Equipment St-Petersburg».

«Je pense que la baleine vient de Mourmansk, où on sait que la Marine russe a dressé les bélugas à mener des opérations militaires», raconte Jørgen Ree Wiig, biologiste marin.

Haut lieu de rivalités du temps de la Guerre froide, la mer de Barents reste une zone stratégique où Occidentaux et Russes épient leurs mouvements respectifs de sous-marins. C'est aussi la porte d'entrée vers la route du Nord qui permet de raccourcir les trajets maritimes entre les océans Atlantique et Pacifique.

- La baleine 'pas suspecte' -

Les services de renseignement (PST) de la Norvège, pays membre de l'Otan, ont confirmé vendredi à l'AFP être en possession du harnais.

«Examiner des équipements techniques attachés à une baleine ne fait pas partie des activités routinières du PST. Il n'est pas certain que nous puissions en conclure quoi que ce soit», a indiqué leur porte-parole, Martin Bernsen. «La baleine n'est pas un suspect dans notre enquête», a-t-il ajouté.

Les autorités russes n'ont pas réagi officiellement mais un officier cité par les médias a raillé ce scénario, plaidant que les militaires n'auraient pas été assez stupides pour «laisser leur numéro de téléphone» sur un animal dressé à des fins d'espionnage.

Pour Dimitri Glazov, de l'Institut Severtsov sur l'écologie et l'évolution de l'Académie russe des sciences, «un institut de Saint-Pétersbourg travaille avec l'armée pour étudier les animaux à des fins opérationnelles» et mène ses expériences en mer Noire et à Mourmansk.

«On sait que l'armée possède ce genre d'animaux. Ils les ont par exemple utilisés pendant les jeux Olympiques de Sotchi», a ajouté le scientifique, cité par l'agence Interfax.

Mais rien ne dit qu'ils utilisent les bélugas pour des missions de reconnaissance de navires, de ports ou de côtes étrangères.

Il existe aussi des agents de voyage dans la région de Mourmansk proposant des sorties d'observation ou de plongée au milieu des bélugas dans des enclos. L'AFP a vainement tenté de les joindre vendredi.

Autre hypothèse, le «Equipment St.Petersburg» du harnais pourrait faire référence à la ville du même nom en... Floride (Etats-Unis), où se trouvent de nombreux parcs aquatiques exploitant des mammifères marins, dont le célèbre SeaWorld d'Orlando.

«Pas impossible», se hasarde Jørgen Ree Wiig.

D'autant que, selon des images vidéo de résidents du cru, le sympathique béluga ramène les cerceaux en plastique qu'on lui lance.

Son parcours ne serait alors pas sans évoquer celui de Keiko, la célèbre orque du film «Sauvez Willy», qui, une fois relâchée dans la nature au tournant du siècle, s'était réfugiée dans les eaux de Norvège, un des rares pays au monde à pratiquer la chasse à la baleine, plus précisément celle du petit rorqual (ou baleine de Minke).

Aucun parc aquatique n'a jusqu'ici déclaré la disparition d'un béluga.

Le béluga, qui peut atteindre une taille de 6 mètres et vit entre 40 et 60 ans, évolue généralement dans les eaux glacées autour du Groenland et au nord de la Norvège et de la Russie.

Espèce sociable souvent apparentée au dauphin, il se déplace en banc et l'observation d'un individu isolé est rare.

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