Faits divers «Un investissement pour l'éternité»: quand les monuments funéraires s'adjugent aux enchères

AFP

20.6.2019 - 08:54

«C'est un investissement pour l'éternité», lance le commissaire-priseur Antoine Bérard dans une allée du cimetière de Loyasse, à Lyon, où la tradition veut que les tombes en fin de concession soient vendues aux enchères.

Face à la stèle funéraire en pierre blanche qui recouvre un caveau de 5 places, mise à prix à 500 euros, un couple de personnes âgées et une famille font s'envoler les enchères jusqu'à 3.200 euros.

«Adjugé !«. Le commissaire-priseur scelle la vente en faveur des deux retraités en donnant un coup de marteau sur la face avant de la dalle mortuaire, sur laquelle l'acheteur prend appui pour signer son chèque.

«On en a parlé aux enfants pour la Fête des pères et on leur a dit qu'on allait choisir notre F4 ou notre F5 au cimetière de Loyasse», s'amuse l'acquéreuse, Nicole, 70 ans, qui souhaite que sa famille ait «un lieu de recueillement» proche de chez elle.

En sus du monument funéraire, les acheteurs – qui doivent justifier d'un domicile à Lyon – devront s'acquitter du coût du caveau, fixé par la mairie en fonction de sa taille, ainsi que de celui de la concession, d'une durée minimum de 30 ans.

En cette chaude matinée de juin, ils sont une trentaine à se presser au cimetière de Loyasse, le plus ancien (1807) et le plus prestigieux de la ville, qu'il surplombe. Sept monuments y sont en vente cette année.

Une autre vente est prévue au cimetière de La Croix-Rousse puis à celui de La Guillotière. Soit près d'une cinquantaine de monuments funéraires au total.

- «Maison ultime» -

Accompagné de son père, François Burgevin, responsable commercial de 51 ans, est venu à la demande de sa mère, malade, qui souhaite «connaître le lieu où elle sera enterrée».

«On cherchait un tombeau de deux places minimum, à proximité de notre domicile à Lyon et à un prix raisonnable», explique-t-il. Mission accomplie: les deux hommes remportent l'enchère pour un emplacement dans la partie neuve du cimetière avec un monument funéraire en granit gris à 500 euros.

Chaque année, la ville de Lyon réalise «entre 500 et 700 reprises administratives» de concessions arrivant à échéance ou abandonnées par les familles, afin de les réattribuer. Certaines sont mises aux enchères, après avoir été préalablement vidées des restes de leurs précédents occupants. Elles sont d'autant plus recherchées que le manque d'espace interdit de creuser de nouveaux caveaux.

«C'est une tradition qui est ancrée dans l'histoire des cimetières lyonnais puisque les premières ventes aux enchères ont eu lieu entre 1880 et 1890». A l'époque étaient également vendus de nombreux objets funéraires comme des grilles métalliques, des statues, des décorations en perles... relève Jean-Pierre Cornu, responsable des cimetières lyonnais.

Pour M. Cornu, ce système a l'avantage de «conserver le patrimoine» tout en permettant aux familles lyonnaises d'acquérir des tombes à des «tarifs intéressants».

«Ce n'est pas un produit comme les autres: vous achetez votre maison ultime», souligne le commissaire-priseur, qui voit «régulièrement des monuments estimés quelques centaines d'euros qui partent à quelques dizaines de milliers d'euros».

«Construire un beau monument, ça coûte très, très cher. Donc, si vous souhaitez un monument important avec de la statuaire, c'est presque irréalisable aujourd'hui», estime M. Bérard.

L'engouement pour ce type d'enchères n'est toutefois plus celui d'«il y a une trentaine, une quarantaine d'années» quand «la société était beaucoup plus religieuse», reconnaît le commissaire-priseur.

«Il y a aussi l'image de la mort aujourd'hui qui n'est pas forcément très positive. Les gens repoussent au dernier moment. On l'a vu d'ailleurs ce matin avec des personnes qui ont acheté une concession pour quelqu'un qui venait de mourir – un peu en urgence donc», ajoute-t-il.

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