Protectionnisme à double tranchant Un autre président avait ruiné le monde avec des droits de douane

Les augmentations des droits de douane de Trump ont un modèle historique. Après le krach boursier de 1929, les Etats-Unis ont considérablement augmenté les droits de douane, déclenchant ainsi une guerre commerciale et approfondissant la crise économique mondiale.

Stefan Michel

04.04.2025, 23:43

07.04.2025, 12:06

Stefan Michel

Le président Trump aime promouvoir sa politique à l'aide de superlatifs et de références au fait que rien de comparable n'a encore été fait. En réalité, il faut remonter loin dans le temps pour trouver une augmentation aussi radicale des droits de douane à l'importation aux Etats-Unis.

«Le jour de la libération» approche«Le plus beau mot du dictionnaire»: Trump et les droits de douane

Le modèle historique est le Smoot-Hawley Tariff Act de 1930 et ce qui a suivi n'est pas ce que Trump a promis au peuple américain lors du «Liberation Day».

Revenons en 1930. Les Etats-Unis avaient déjà connu le krach boursier de Wall street, des millions de personnes - du petit investisseur au millionnaire spéculateur - avaient perdu pratiquement toute leur fortune en peu de temps. Une crise bancaire et de crédit s'en est suivie.

Crise économique mondiale et guerre commerciale

Le protectionnisme, qui consiste à protéger l'économie nationale par des droits de douane, était déjà monnaie courante dans les années 1920. Avec le ralentissement économique, les partisans de la protection ont eu définitivement le dessus aux Etats-Unis.

Le président Herbert Hoover était en 1930, comme Donald Trump aujourd'hui, un nouveau venu au pouvoir et un partisan déclaré du protectionnisme. Le Smoot-Hawley Tariff Act du sénateur Reed Smoot et du représentant de la Chambre des représentants Willis C. Hawley voulait encore augmenter sensiblement les droits de douane déjà relevés dans les années vingt. Cela était tout à fait du goût du républicain. En juin 1930, il a promulgué la loi.

Auparavant, plus de 1000 scientifiques avaient tenté de l'en dissuader par le biais d'une pétition, car ils s'attendaient à ce que la population américaine en supporte le prix.

Les États concernés, dont les importations aux États-Unis avaient d'un seul coup augmenté de 10 à 20%, ont réagi en imposant des droits de douane en retour. Une guerre commerciale mondiale a éclaté entre les deux guerres mondiales.

La hausse de Trump est plus violente que celle de Hoover

Les conséquences: le commerce entre les Etats-Unis et l'Europe s'est effondré de deux tiers, tout comme l'ensemble du commerce mondial. L'idée derrière les droits de douane était que l'économie nationale comblerait le vide. Mais ce ne fut pas le cas: entre 1929 et 1933, la production industrielle aux États-Unis a chuté de 47% et le produit intérieur brut de 30%. Le chômage a atteint près de 25 pour cent.

La politique douanière n'a bien sûr pas été la seule cause de la crise économique mondiale. Certains observateurs la considèrent comme un accélérateur d'incendie qui, à un moment crucial, a encore fait baisser la demande déjà en baisse. Ce qui est sûr, c'est que l'augmentation des droits de douane n'a pas aidé l'économie américaine à s'enfoncer dans la dépression la plus profonde de son histoire.

Comment se situe l'augmentation des droits de douane de 1930 par rapport à celle de 2025? Les mesures de Trump sont bien plus importantes que celle du Smoot-Hawley Tariff Act. Dans les années 20, le droit de douane moyen aux Etats-Unis était déjà passé d'un taux à un chiffre à 13,5%, et avec Smoot-Hawley, il a finalement atteint environ 20%, écrit le magazine américain «Fortune» - une augmentation de près de 7%.

Selon les calculs des auteurs de «Forbes», Trump fait en revanche grimper les droits de douane moyens à 22-23%, alors qu'ils étaient auparavant en moyenne de 3%. Une augmentation de 20%, soit sept fois plus.

L'économie mondiale est plus stable en 2025 qu'en 1930

La question est maintenant de savoir comment le monde et les Etats-Unis vont digérer ce coup de tonnerre.

La situation de départ est définitivement différente. Certes, de nombreux pays luttent contre l'inflation et un développement économique lent. Début 2025, Munich Re prévoyait encore une croissance mondiale identique à celle de 2024. Dans leurs perspectives, les économistes du réassureur ont surtout considéré les impondérables géostratégiques comme des risques.

Avant l'attaque de l'administration Trump contre le libre-échange, l'économie mondiale n'était pas en crise comme en 1930. Les droits de douane n'interviennent pas non plus six mois après un krach boursier qui déstabilise le système financier et freine les investissements. Au printemps 2025, l'économie mondiale est définitivement dans une situation plus stable qu'à l'été 1930.

Et il semble que de nombreux pays concernés par les droits de douane aient tiré les leçons de l'histoire et ne misent pas immédiatement sur des contre-taxes. L'Europe, par exemple, veut manifestement éviter la guerre commerciale avec les États-Unis. Ce qui devrait être clair pour tout le monde: lors de la crise économique mondiale des années 1930, il n'y avait que des perdants.

«Une escalade n'est pas dans l'intérêt de la Suisse», selon KKS

Le Conseil fédéral a pris connaissance des décisions des Etats-Unis concernant les droits de douane. «Il est clairement d'avis qu'une escalade n'est pas dans l'intérêt de la Suisse», a avancé la présidente du gouvernement Karin Keller-Sutter. C'est pourquoi le Conseil fédéral «renonce à des contre-mesures directes», a précisé la St-Galloise jeudi devant les médias. «Nous allons étudier les options et resterons en contact avec les autorités américaines.» Le gouvernement regrette que «les Etats-Unis s'écartent davantage du libre-échange et d'un ordre commercial fondé sur des règles.

03.04.2025

Le gouvernement chinois emprunte une autre voie, du moins verbalement, et annonce des droits de douane de 34% sur les marchandises en provenance des Etats-Unis.

Qui cédera le premier?

Le jour même de l'annonce des droits de douane mondiaux, le président Trump fait savoir qu'il est ouvert aux négociations, comme le rapporte ABC News, ce qui laisse entendre que les tarifs ne sont pas un fait avec lequel le reste du monde (hormis la Russie, absente de la liste des droits de douane) est un moyen de pression pour imposer des concessions et non la fin de la discussion.

La question qui se pose alors est la suivante : qui cédera le premier et avec quelle force? Si Trump ne supprime pas ou n'abaisse pas soudainement certains droits de douane, comme cela s'est déjà produit, cette question sera pertinente dans les mois, voire les années à venir.

En 1930, il ne s'agissait pas de négociations. Les droits de douane étaient en vigueur jusqu'à ce que le président Hoover soit destitué et que son successeur Theodore Roosevelt remplace en 1934 la loi sur les tarifs de son prédécesseur par le Reciprocal Tariff Act, qui autorisait à nouveau le libre-échange. Mais le mal était déjà fait et la population américaine a continué à en subir les conséquences pendant des années.