Le TF désavoue le SEMParfaitement intégré, un accident de voiture a failli lui coûter sa naturalisation
Petar Marjanović
21.5.2025
Un accident de voiture dont il était responsable a failli coûter la naturalisation à un Turc parfaitement intégré. Le Tribunal fédéral a désormais mis un terme au schéma rigide des autorités et exige une évaluation globale équitable.
Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) n'avait pas le droit de refuser la naturalisation à un Turc vivant en Suisse depuis plus de 30 ans après un accident de voiture, en raison des critères d'intégration par ailleurs remplis. C'est ce qu'a décidé le Tribunal fédéral.
Le SEM a décidé qu'il fallait attendre un délai d'attente supplémentaire de trois ans après la période probatoire de deux ans prévue par le droit pénal. Il s'est appuyé sur son manuel - une ordonnance administrative - qui contient un tableau correspondant avec les délais d'attente respectifs.
Cette ordonnance n'est pas contraignante pour le Tribunal fédéral. Il a exigé, lors d'une délibération publique du cas, une évaluation globale de tous les critères d'intégration et non une procédure schématique. Le tribunal a accepté le recours de l'homme et a renvoyé le cas au SEM.
Le ministère public schwytzois a condamné l'homme, aujourd'hui âgé de 60 ans, à une peine pécuniaire avec sursis de 40 jours-amende et à une amende pour un accident de voiture qu'il avait provoqué en 2020. L'homme s'était assoupi au volant et avait percuté un candélabre. Personne n'a été blessé.
Délai d'attente prolongé
La décision est entrée en vigueur alors que la procédure de naturalisation de l'homme reconnu comme réfugié était en cours. La période d'essai a été fixée à deux ans. En raison de l'inscription au casier judiciaire, les autorités schwytzoises ont suspendu la demande de naturalisation jusqu'à la mi-août 2025 - c'est-à-dire qu'un délai d'attente supplémentaire de trois ans a été décrété pour la période suivant l'expiration de la période d'essai pénale.
Le tribunal administratif cantonal a partiellement accepté un recours du Turc. La procédure de naturalisation devait être reprise à l'issue de la période d'essai pénale. Le 15 août 2022, le Département de l'intérieur de Schwyz a donc demandé au SEM d'octroyer l'autorisation fédérale de naturalisation. Celui-ci l'a toutefois refusée en raison de l'inscription au casier judiciaire. Un recours de l'intéressé auprès du Tribunal administratif fédéral est resté sans succès.
Incompatible avec la loi fédérale
Une majorité de trois juges fédéraux contre deux a critiqué le fait qu'une procédure schématique n'était pas compatible avec la loi sur la nationalité, avec l'article 4 de l'ordonnance correspondante et avec la jurisprudence du Tribunal fédéral dans ce domaine. Il faut toujours procéder à une appréciation globale. Les cas où un candidat à la naturalisation a commis un délit grave constituent une exception.
Dans le cas présent, le tribunal administratif de Schwyz avait constaté que le requérant était très bien intégré. L'homme était arrivé en Suisse en 1994 et avait obtenu le statut de réfugié en 1996.
Aujourd'hui, il dirige un restaurant avec sa femme et a plusieurs employés. Ses deux enfants travaillent. En tant que restaurateur, l'homme fait partie de la vie de la commune, est membre du club de ski, fait des randonnées et soutient les associations locales par des contributions de sponsors et par la mise à disposition de locaux.
Réviser le manuel
Seul son accident de voiture est venu ternir l'image d'une intégration réussie. En effet, la loi exige le respect de l'ordre juridique suisse. Mais selon la majorité des juges, ce fait ne devrait pas conduire automatiquement à un refus de naturalisation après l'expiration de la période d'essai pénale.
Suite à cette décision, le SEM devra soumettre son ordonnance administrative à un examen. Et même si le Tribunal fédéral était parvenu à une autre conclusion lors des débats publics, le délai d'attente supplémentaire de trois ans, tel que prévu par le manuel du SEM pour les peines pécuniaires comme celle en question, expirera le 11 août 2025.
Elias Studer, l'avocat du sexagénaire, estime que l'arrêt du Tribunal fédéral est d'une importance fondamentale, car le SEM ne peut plus prendre de décisions formalistes selon des schémas rigides.
Selon lui, cette jurisprudence devra également être respectée par les cantons qui connaissent des «critères tueurs sévères». Le jugement représente donc un grand progrès. Les personnes qui vivent ici et qui sont réellement intégrées pourront à l'avenir être moins facilement exclues arbitrairement de la participation politique à égalité avec les autres.