Yémen Une miraculée yéménite instrumentalisée

ATS

2.1.2019 - 01:21

Le conflit au Yémen a fait au moins 10'000 morts et provoqué la pire crise humanitaire dans le monde (image symbolique).
Le conflit au Yémen a fait au moins 10'000 morts et provoqué la pire crise humanitaire dans le monde (image symbolique).
Source: KEYSTONE/EPA/NAJEEB ALMAHBOOBI

Seule survivante d'une famille de Sanaa qui a été décimée par un raid aérien en août 2017, Bouthaina Mansour al-Rimi est tristement devenue le symbole de la guerre du Yémen. Elle est aussi devenue un outil de propagande instrumentalisé par les parties en conflit.

La vie de Bouthaina a été bouleversée depuis une frappe aérienne de la coalition progouvernementale dirigée par l'Arabie saoudite, qui a anéanti sa famille immédiate à Sanaa, la capitale sous contrôle rebelle. Seize personnes au total ont été tuées par ce raid mené selon Amnesty International à l'aide d'un engin explosif de fabrication américaine.

Il ne reste plus rien de la maison familiale dans le quartier de Faj Attan. Depuis, une photo de Bouthaina, le visage tuméfié et tentant d'ouvrir un oeil avec ses doigts, a fait le tour du monde. Après le raid, la fillette a été emmenée dans des circonstances obscures à Ryad pour des soins médicaux. Elle vient tout juste de rentrer à Sanaa, où la fillette de huit ans dit à l'AFP n'aspirer qu'à aller à l'école pour devenir médecin.

Le raid et la photo de Bouthaina ont été utilisés à fond par les rebelles Houthis, soutenus par l'Iran, pour dénoncer les pertes civiles des bombardements les visant. Cette campagne des rebelles a entraîné des réactions des instances internationales et des ONG dénonçant les raids d'autant que la coalition a admis avoir commis une "erreur".

Les missiles saoudiens

Dans un entretien avec l'AFP, Bouthaina et son oncle Ali, son tuteur légal, se souviennent de la frappe qui a tué ses deux parents, ses quatre soeurs, son frère unique et un autre oncle. "J'étais dans la chambre avec ma mère, avec mon père, mes soeurs, mon frère et mon oncle", raconte Bouthaina.

"Le premier missile a frappé, mon père est allé chercher du sucre pour nous aider à surmonter le choc, mais le deuxième missile a frappé, puis le troisième". "Et puis la maison s'est effondrée".

Un mois après, une photo de Bouthaina a été publiée par des médias saoudiens montrant qu'elle était soignée à Ryad.Les circonstances de son arrivée dans la capitale saoudienne, via la ville méridionale d'Aden, restent mystérieuses.

Bataille de mots

Les rebelles Houthis affirment qu'elle a été "kidnappée", avec son oncle Ali, par la coalition et emmenée à Aden sous contrôle gouvernemental, avant d'être transférée à Ryad. Les médias saoudiens soutiennent qu'elle a été emmenée, pour des raisons humanitaires, dans la capitale saoudienne à la demande du gouvernement installé à Aden.

Et puis le quotidien saoudien Al-Riyadh a publié le 19 décembre une photo de Bouthaina rentrant à Sanaa à bord d'un jet privé. Al-Masirah, un journal des Houthis, célèbre son retour en affirmant qu'elle a échappé aux "griffes des Saoudiens" et que son cas "démasque l'ennemi aux yeux de l'humanité".

Les dirigeants rebelles se sont empressés d'annoncer avec fanfare que Bouthaina bénéficiera d'une maison et d'un salaire. "Je veux aller à l'école et devenir médecin", dit-elle en jouant avec une poupée au milieu de ses cousins. Elle attend toujours la matérialisation de la promesse des Houthis.

"Que la guerre cesse"

"Je veux que la guerre cesse (...) que les enfants du Yémen vivent en paix", ajoute-t-elle sous le regard entendu de son oncle. "Elle n'oublie pas ses parents. Elle est triste quand elle voit des choses qui lui rappellent ses frères et soeurs ou quand elle entend les chansons que son père écoutait", dit-il.

"Nous lui disons qu'ils sont au paradis et que le paradis est un bel endroit". L'oncle dit la considérer comme sa propre fille. "Quand la maison de mon frère s'est effondrée j'ai prié pour le revoir et Bouthaina est là pour me le rappeler".

Le retour de Bouthaina à Sanaa a coïncidé avec l'annonce d'un accord négocié par l'ONU sur des échanges de prisonniers et de détenus auprès des belligérants. Il fait partie d'un accord de trêve dans la ville stratégique de Hodeida (ouest), voulue comme un premier pas pour mettre fin à un conflit qui a fait au moins 10'000 morts et provoqué la pire crise humanitaire dans le monde.

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