Tribunal fédéralUne prostituée bénéficie de la protection de la justice pénale
aula, ats
4.2.2021 - 12:05
Le Tribunal fédéral confirme la condamnation pour escroquerie d'un homme qui avait arnaqué une prostituée. Il estime que cette activité ne peut plus être considérée comme contraire aux moeurs et doit bénéficier de la protection de la justice pénale.
En 2016, le condamné avait passé une annonce sur Internet proposant 2000 francs pour passer une nuit avec une femme. Lors de la rencontre, la victime avait demandé à être payée d'avance mais le client était parvenu à la convaincre qu'il avait l'argent sur lui et qu'il la paierait ensuite. Après deux rapports sexuels, il avait filé à l'anglaise.
Jurisprudence modifiée
La justice saint-galloise l'a reconnu coupable d'escroquerie notamment et l'a condamné à 50 jours-amendes à 110 francs avec sursis et à une amende de 300 francs. Le client a recouru au Tribunal fédéral en invoquant une jurisprudence selon laquelle la prostitution serait une activité contraire aux moeurs et que la femme n'aurait aucun droit juridiquement protégé à une rémunération.
Dans un arrêt de principe publié jeudi, la Cour de droit pénal modifie sa position. Elle souligne que le revenu d'une personne qui se prostitue est légal et considéré comme tel à divers égards. Ainsi, la prostitution est soumise à l'impôt sur le revenu et la fortune ainsi qu'à l'AVS.
Le Tribunal fédéral ajoute que la prostitution est une activité socialement usuelle et autorisée. Son exercice est protégé par la liberté économique garantie par la Constitution.
Pas contraire aux moeurs
Les juges en concluent que de tels services se voient attribuer, au moins en partie, une valeur patrimoniale dans le système juridique. Le contrat de fourniture de services sexuels moyennant rémunération ne contredit donc manifestement pas à tous égards les principes éthiques et les valeurs contenus dans l'ordre juridique général.
Dans ces conditions, il n'est plus possible de soutenir que le contrat entre la personne prostituée et son client est sans restriction contraire aux moeurs, souligne la haute cour. On ne peut en tout cas plus affirmer que le service sexuel – qui n'est manifestement pas désapprouvé par le système juridique – n'a pas de valeur patrimoniale.
Le tribunal a estimé aussi que le délit d'escroquerie était réalisé dans la mesure où le condamné a «astucieusement» trompé sa victime sur sa volonté de payer. On ne peut pas reprocher à cette dernière d'avoir eu un comportement imprudent. Même si elle a montré peut-être une certaine crédulité en n'insistant pas pour être payée à l'avance, un degré même important de naïveté ou d'imprudence de la part de la victime ne conduit pas nécessairement à l'impunité de l'auteur, concluent les juges de Mon Repos. (arrêt 6B_572/2020 du 8 janvier 2021)