«La mort nous serait plus clémente»A Gaza, les hôpitaux sont devenus des camps de déplacés improvisés
ATS
18.10.2023 - 07:46
Certains font du pain, d'autres étendent des vêtements à sécher: dans les hôpitaux de Gaza, les déplacés, qui espèrent un refuge contre les bombes, s'ajoutent désormais aux ambulances qui arrivent en trombe, au ballet des brancardiers et aux médecins qui opèrent à la chaîne.
Keystone-SDA
18.10.2023, 07:46
ATS
Amira, 44 ans, s'est installée avec ses enfants dans la cour de l'hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud du petit territoire palestinien, vers lequel les Gazaouis se sont déplacés par centaines de milliers depuis que l'armée israélienne les a appelés à quitter les zones situées au nord.
«Tout notre corps gratte. Cela fait une semaine que l'on ne s'est pas douchés. La mort nous serait plus clémente», dit-elle à l'AFP, en préparant des sandwiches avec les quelques galettes de pain qu'elle a pu récupérer pour ses enfants.
Depuis le 7 octobre et l'attaque sanglante du Hamas, dont les commandos ont tué plus de 1400 personnes en Israël, en majorité des civils, et pris 199 otages, le bilan ne cesse de s'alourdir dans la bande de Gaza, pilonnée sans répit par l'armée israélienne.
On compte déjà quelque 3000 morts, dont des centaines d'enfants, et plus de 10'000 blessés, selon les autorités du Hamas. Et les soignants dans cette petite bande de terre pauvre et surpeuplée s'inquiètent pour tous les malades chroniques, désormais en danger de mort faute de médicaments, d'électricité et d'eau.
«C'est l'horreur»
Mais jusqu'ici, le terminal de Rafah vers l'Egypte, l'unique ouverture sur le monde de Gaza qui ne soit pas aux mains d'Israël, reste fermé. Il a été bombardé pour la quatrième fois lundi soir et Israéliens, Egyptiens et Américains ne parviennent pas à s'accorder sur un mécanisme pour faire entrer l'aide, laisser sortir les étrangers de Gaza et donner les garanties de sécurité réclamées par Egyptiens et Israéliens.
«C'est l'horreur», décrit Abou Assaad al-Qoudsi, resté lui dans la ville de Gaza malgré l'appel à évacuer. Il s'est réfugié à l'hôpital al-Chifa, le plus grand du territoire palestinien. «Il y a des familles entières avec leurs enfants, parfois des nourrissons, des personnes âgées», énumère pour l'AFP cet homme âgé.
Tous espèrent échapper aux frappes aériennes dans les hôpitaux même si l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déjà recensé que «111 infrastructures médicales ont été visées, 12 cadres soignants ont été tués et 60 ambulances visées», expliquait lundi son patron régional Ahmed al-Mandhari à l'AFP.
Et mardi soir, au moins 200 personnes ont été tuées dans une frappe israélienne ayant touché l'enceinte de l'hôpital Ahli Arab, à Gaza, selon le ministère de la santé du Hamas.
Ibrahim Teyssir, lui aussi, s'était précipité sur l'hôpital al-Chifa, parce que, dit-il à l'AFP, «personne n'a pitié de nous». «Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter cela? Qu'est-ce que les enfants ont fait? Qu'est-ce que les femmes ont fait?», s'emporte-t-il.
«Danger de mort ou d'épidémies»
«La plupart des gens du peuple n'appartiennent à aucun groupe armé», plaide-t-il encore, alors qu'Israël explique pilonner Gaza – où vivent 2,4 millions de personnes, pour moitié des enfants – pour «liquider» le Hamas.
A Khan Younès, l'hôpital Nasser est devenu un grand campement improvisé. Dans sa cour, des centaines de famille ont posé des matelas de fortune sur lesquels, chaque nuit, elles essayent de fermer l'oeil, malgré le fracas des frappes aériennes et le froid de plus en plus mordant.
Les Gazaouis qui, déjà avant la guerre, dépendaient pour 60% d'entre eux de l'aide alimentaire pour se nourrir, vivent aussi depuis «six jours sans aucune électricité», rapporte l'ONU.
Et si Israël assure avoir rétabli partiellement l'approvisionnement en eau, le robinet ouvert dans l'est de Khan Younès n'apporte aux Gazaouis que «moins de 4% de leur consommation d'avant» la guerre.
Pour l'UNICEF, «si de l'eau et du carburant ne rentrent pas immédiatement à Gaza», en état de siège après 16 ans de blocus israélien, ses habitants sont «en danger imminent de mort ou d'épidémies».
Dans certains campements de déplacés, assure même Philippe Lazzarini, le chef de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), «des centaines de personnes doivent partager un seul cabinet de toilette».