Biden très ému «Nous traquerons les coupables et nous les ferons payer»

ATS

27.8.2021 - 01:13

Un double attentat-suicide, revendiqué par l'EI, a fait jeudi à Kaboul des dizaines de morts, dont treize soldats américains. Le président américain Joe Biden a promis de «pourchasser» les auteurs de l'attaque, tout en maintenant les évacuations jusqu'à mardi.

27.8.2021 - 01:13

Joe Biden maintient la poursuite des évacuations d'Afghanistan malgré l'attaque à Kaboul.
Joe Biden maintient la poursuite des évacuations d'Afghanistan malgré l'attaque à Kaboul.
ATS

«Journée difficile»: en se présentant jeudi devant les caméras, plusieurs heures après un double attentat-suicide à proximité de l'aéroport de Kaboul, le 46e président des Etats-Unis ne cache pas son émotion. Les larmes au bord des yeux, il rend hommage à ces «héros» tombés dans l'attaque la plus meurtrière pour les militaires américains depuis août 2011.

L'attentat, mené par des kamikazes à la tombée du jour à l'aéroport de la capitale afghane, alors que des milliers d'Afghans étaient toujours massés aux portes du site dans l'espoir d'être évacués à l'étranger, a laissé des scènes de chaos et de désolation.

Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux ont montré des dizaines de victimes, mortes ou blessées, étendues dans les eaux saumâtres d'un canal d'égout, entourées de secouristes débordés et démunis. Hommes, femmes et enfants couraient dans tous les sens pour s'éloigner du lieu des explosions.

La double explosion a tué au moins treize soldats américains et en a blessé dix-huit autres, selon le Pentagone. Il s'agit de l'attaque la plus meurtrière contre l'armée américaine en Afghanistan depuis 2011.

Jusqu'à 60 morts

Selon des sources militaires, l'une des explosions s'est produite à proximité d'Abbey Gate, l'un des trois points d'accès à l'aéroport. «C'était une énorme explosion, au milieu de la foule qui attendait devant une des portes de l'aéroport», où entrent des gens qui se font évacuer par les Occidentaux, a déclaré à l'AFP un témoin de la scène. «Il y a beaucoup de morts et de blessés».

Au moins 72 personnes ont été tuées plus de 150 blessées, selon un nouveau bilan fourni vendredi à l'AFP par deux responsables de l'ancien gouvernement renversé à la mi-août par les talibans.

Visiblement secoué, le président américain Joe Biden a réagi en promettant de «pourchasser» et de «faire payer» les auteurs de l'attaque. «L'Amérique ne se laissera pas intimider», a-t-il lancé d'un ton martial.



Ce premier attentat meurtrier depuis le retour au pouvoir des talibans le 15 août intervient à quelques jours du départ du pays des troupes américaines, prévu le 31 août après vingt ans de guerre infructueuse contre les islamistes.

«C'est un échec»

Selon Washington, qui s'attend à ce que les attaques de l'Etat islamique (EI) «se poursuivent», cet attentat a été mené par deux kamikazes du groupe islamiste, suivi d'une fusillade.

Comme souvent depuis deux semaines, Joe Biden a dû chambouler son agenda, repoussant d'un jour sa rencontre avec le premier ministre israélien Naftali Bennett. «C'est une crise majeure qui se déroule sous sa présidence», dit à l'AFP Ian Bremmer, président de la société d'expertise Eurasia Group.

«C'est un échec du renseignement. C'est un échec de la planification. C'est un échec de la communication et c'est un échec de la coordination avec les alliés», estime-t-il. De son propre aveu, le président n'avait pas «prévu» la rapidité de l'effondrement de l'armée afghane formée, équipée et financée par Washington, et la chute de Kaboul aux mains des talibans. Et comme ce fut le cas avec le conflit entre Israël et le mouvement palestinien Hamas en mai, son gouvernement donne l'impression d'avoir du mal à s'adapter à l'imprévu sur la scène internationale.

Les moments de flottement se sont succédé depuis la victoire des talibans le 15 août, qui a surpris Joe Biden à Camp David, lieu de villégiature des présidents américains. D'abord mutique, le démocrate âgé de 78 ans a depuis multiplié les prises de parole, sans faire cesser les critiques.

Critiqué de toutes parts

Mardi, son intervention a été retardée d'environ cinq heures alors que le monde attendait de savoir s'il allait céder aux appels internationaux en faveur d'un report de la date butoir du 31 août pour le retrait américain et donc pour les évacuations d'étrangers et d'Afghans menacés de représailles de la part des talibans. Il a finalement confirmé l'échéance.

Joe Biden, élu en affichant un profil rassembleur, a confirmé la décision de son prédécesseur républicain Donald Trump de retirer toutes les troupes américaines d'Afghanistan. Mais il est aujourd'hui critiqué de toutes parts pour la gestion de ce retrait et pour n'avoir pas organisé plus tôt les évacuations nécessaires, obligeant l'armée américaine à renvoyer des forces en catastrophe pour gérer dans la pagaille un gigantesque pont aérien, endeuillé jeudi par l'attentat de l'EI.

«Cette tragédie n'aurait jamais dû avoir lieu», a déploré jeudi Donald Trump, qui avait réclamé sa démission dès la semaine dernière. «Joe Biden a du sang sur les mains», a renchéri la députée républicaine Elise Stefanik. «Il est inapte à être commandant en chef», a-t-elle martelé.

Attaques revendiquées par l'Etat islamique

Sous le nom d'ISKP (Etat islamique province du Khorasan), l'EI a revendiqué certaines des attaques les plus sanglantes commises ces dernières années en Afghanistan, faisant des centaines de morts, en particulier parmi les musulmans chiites. Même s'il s'agit de deux groupes sunnites radicaux, l'EI et les talibans sont en concurrence et sont animés par une haine tenace et réciproque.

Les Occidentaux, dont la Suisse, ont condamné l'attentat, en soulignant qu'il ne devait pas empêcher la poursuite des évacuations massives. Celles-ci ont à ce jour permis de faire partir 100'100 personnes, selon les dernières données publiées jeudi soir par la Maison-Blanche.

Les talibans condamnent

Le nouveau régime taliban, via son porte-parole, a «fermement condamné» ces «attentats à la bombe», tout en soulignant qu'ils étaient survenus dans une zone placée sous la responsabilité de l'armée américaine. Depuis la reprise soudaine de Kaboul et du pouvoir par les talibans, l'aéroport de Kaboul est le dernier endroit du pays où sont rassemblées les forces occidentales.

L'Australie s'est félicitée vendredi d'avoir évacué ses derniers soldats la veille de l'attentat. «Je suis vraiment heureux et soulagé que nos soldats aient quitté Kaboul et que nous ayons pris la décision d'évacuer hier nos derniers ressortissants», a déclaré le ministre de la défense Peter Dutton.

Après les explosions, Paris a annoncé le rapatriement en France pour raisons de sécurité de son ambassadeur en Afghanistan David Martinon, qui se trouvait jusqu'alors à l'aéroport de Kaboul. L'Allemagne a annoncé avoir mis fin à ses vols d'évacuation, comme les Pays-Bas et le Canada.

ATS