«Finie» face à PoutineAvec l'Ukraine, l'étoile d'Angela Merkel a pâli
ATS
5.12.2022 - 07:54
Le 8 décembre 2021, la chancelière allemande Angela Merkel quittait le pouvoir, sa popularité au zénith. Un an plus tard, l'étoile de l'ex-dirigeante conservatrice, jugée trop accommodante avec la Russie, a pâli.
Keystone-SDA
05.12.2022, 07:54
05.12.2022, 09:28
ATS
«Il y a votre politique russe, [le gazoduc germano-russe, ndlr] Nord Stream II, les routes défoncées, la politique climatique. Quel genre d'Allemagne nous avez-vous laissé?», fustige Bild, le quotidien le plus lu d'Allemagne. Ils sont ainsi près de trois Allemands sur quatre (71%) à ne pas souhaiter le retour de Mme Merkel aux manettes.
Et au jeu de la comparaison avec son successeur social-démocrate, Olaf Scholz, elle ne se démarque pas, 43% estimant qu'elle ferait mieux, contre 41% pour l'actuel chancelier, selon un sondage Civey.
Pour l'ex-dirigeante de 68 ans, il y a un avant et après 24 février, date de l'invasion russe de l'Ukraine. L'offensive des troupes du président russe Vladimir Poutine a en effet fait voler en éclat le bilan de l'ex-dirigeante conservatrice, jamais dupe de la vraie nature du régime russe, mais convaincue qu'un «changement par le commerce» était possible.
Elle sort de son silence
Mme Merkel n'est pas la seule responsable de cette politique, en partie engagée après les chocs pétroliers des années 1970 par les prédécesseurs de Mme Merkel. Mais celle-ci porte la responsabilité de «l'approbation et du soutien» aux gazoducs Nord Stream, explique à l'AFP la politologue Ursula Münch.
«Nous ne pouvons plus admettre aujourd'hui que Mme Merkel et le gouvernement de l'époque n'aient pas compris que ces gazoducs se feraient au détriment» de Kiev. En Ukraine justement, l'ex-chancelière est devenue une des incarnations de la complaisance occidentale à l'égard de Moscou pendant des années.
Des étiquettes de bouteilles de bière sur lesquelles Mme Merkel est comparée à Joachim von Ribbentrop, le chef de la diplomatie nazie signataire du pacte germano-soviétique en 1939, ont ainsi essaimé.
Face aux critiques, Mme Merkel a dû se résoudre à sortir du silence pour se justifier dans plusieurs entretiens accordés ces dernières semaines à des journalistes de confiance.
«Pour Poutine, seul le pouvoir compte»
Entre deux descriptions de sa nouvelle vie, occupée à regarder des séries, en particulier The Crown, et à écrire ses mémoires, négociées à prix d'or, Mme Merkel explique ainsi dans le Spiegel qu'elle n'avait plus le poids politique nécessaire en 2021, année de son retrait annoncé de longue date, pour freiner les préparatifs de guerre.
«Je n'avais plus la force de m'imposer», par exemple pour organiser l'an dernier une rencontre entre le président russe et des dirigeants de l'UE, confie Mme Merkel.
Lors de sa dernière entrevue avec M. Poutine, à Moscou en août 2021, elle a une impression «très claire» dans son face-à-face, celle d'être «finie» en termes «de politique, de pouvoir» aux yeux du chef de l'Etat russe. «Et pour Poutine, seul le pouvoir compte», dit-elle.
Mme Merkel estime aussi que les sanctions imposées à Moscou après 2014 ont permis à Kiev de «se préparer» à une agression éventuelle. Mais plus que ses accommodements avec Moscou, c'est l'absence de regrets exprimés par Mme Merkel qui nourrit les critiques.
«Peu de débats»
Son ancien ministre des finances, Wolfgang Schäuble, a ainsi fustigé à la mi-novembre le refus de tout mea culpa de Mme Merkel au sujet des «erreurs» commises par l'Allemagne.
«Nous ne voulions pas voir» la vraie nature du régime russe, regrette ce rival historique de l'ex-dirigeante, qui dit ne pas la placer dans sa liste de «grands chanceliers» aux côtés de Konrad Adenauer, Willy Brandt et Helmut Kohl.
«Il est vrai que l'on ne parle plus guère de l'ancienne chancelière», confirme Mme Münch, rendant en partie responsables «la rapidité des médias et notre attention limitée».
La longue ère Merkel s'est soldée par «beaucoup d'auto-satisfaction, peu de débats [...] trop d'annonces politiques et trop peu d'attention portée à leur mise en oeuvre effective», relève cependant cette professeure de sciences politiques à Munich.
Mme Merkel restera toutefois selon Mme Münch, malgré «un retard dans les réformes», dans l'histoire allemande en tant que première femme et ex-citoyenne de RDA à avoir dirigé le gouvernement.